Inauguration d’une Allée des Justes à Epinay sur Seine

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Dossier n°

Inauguration d’une Allée des Justes à Epinay sur Seine

L’intervention de Richard Prasquier
« Le 18 janvier 2007, la magnifique cérémonie d’hommage aux Justes au Panthéon a fait entrer avec solennité les Justes de France au tableau d’honneur de la République. Pour ceux qui, comme notre Comité français de Yad Vashem, travaillent depuis de nombreuses années à honorer les Justes, cette cérémonie a marqué une consécration de l’œuvre accomplie, mais en aucun cas la fin du travail: de nombreux dossiers sont actuellement encore en instruction ».
 
Il y a environ 2800 Justes de France, une partie des 21000 Justes des Nations nommés dans le monde. C’est en 1953 que la loi portant création de l’Institut Yad Vashem à Jérusalem incluait un paragraphe spécial attribuant ce titre aux non juifs qui, au péril de leur vie avaient sauvé des Juifs pendant la guerre.
 
« Il y a au moins trois raisons d’honorer les Justes:
 
–  La première est la plus élémentaire: il s’agit de dire merci: ce n’est pas toujours naturel et les Justes dans leur habituelle modestie, ne réclament rien. Mais comment parler d’ouverture à l’autre si on ne remercie pas ceux qui nous ont sauvés dans la tourmente? On remercie pour soi-même, on remercie au nom des siens, on remercie au nom du peuple Juif tout entier qui a été si près de disparaître totalement dans l’horreur de la Shoah,C’est la première étape du travail de transmission et cela a été effectué ce matin de façon admirable par les enfants de l’école Beth Israël d’Epinay. Je tiens à féliciter Anaël, Sephora, Aydanne, Leon, Raphaël, François, Jérôme, Jérémie et leurs amis qui nous ont dit ce que furent les Justes, ainsi que la direction de cette école qui les a formés de façon exemplaire.
 
– La deuxième raison est la vérité de l’histoire qui doit être respectée: si entre les 2/3 et les 3/4 des Juifs vivant en France ont pu échapper aux griffes des allemands et de leurs alliés de la collaboration, c’est en grande partie grâce aux Justes, souvent anonymes (nous savons que les Justes les plus nombreux sont les Justes inconnus) et se mettant souvent à plusieurs pour sauver une seule vie. Grain de sable dans la machinerie de mort, ils ont aussi dans l’histoire.
 
– La troisième raison nous interpelle dans notre commune humanité. Comment se fait-il que certains être humains prennent tant de risques et désobéissent à des ordres qu’ils trouvent iniques, alors que d’autres ne le font pas? Je n’aurai évidemment pas l’outrecuidance de proposer des explications: l’intériorisation des valeurs inculquées familialement, la résistance à la pression du groupe, le choix de la morale universelle, le courage physique, d’autres corrélations peuvent être trouvées. En tout cas cette réflexion ouvrirait la piste à une nouvelle et fructueuse pédagogie.
 
 
Il y a cependant bel et bien un risque d’emballement dans les utilisations décontextualisées de ces histoires de Justes. Trois précautions nécessaires:
 
–  Ne pas oublier que l’histoire des Justes et son utilisation publique ne prennent leur sens en France que parce que la France a effectué ces dernières années un remarquable et difficile travail de mémoire. Il aurait été indécent d’insister sur l’histoire des Justes, avant que le discours de Juillet 1995 au Vel d’Hiv par le Président Jacques Chirac n’eût pas reconnu les responsabilités réelles de Vichy pendant cette période. Les Justes sont restés une minorité, dans un monde d’indifférents laissant faire des groupes de criminels actifs.
 
         Ne pas oublier de quoi les Juifs ont été sauvés: non pas d’une difficile adaptation économique ou sociale, ou de l’humiliation, mais de la mort: 3% à peine des déportés Juifs vers les camps ont survécu.
 
         ne pas oublier pour quelle raison les Justes ont dû aider des Juifs: c’est à cause de l’antisémitisme. Cet antisémitisme, le même ou un autre, le thème est plastique, a recommencé à gangrener des pans de la société habitant en France. Et il ne peut être question d’utiliser le thème des Justes en s’aveuglant sur la réalité actuelle, avec les réapparitions banalisées des stéréotypes, les amalgames de toutes sortes et parfois les actes de violence.
 
La mise à l’honneur des Justes engage logiquement des choix de vie et de valeurs. Elle ne doit pas se transformer en alibi de respectabilité ».
 
Dr Richard Prasquier
Président du Comité français pour Yad Vashem