Juste parmi les Nations, Odette a sauvé des vies

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Article de Laurent BEAUVALLET dans le Journal Maine et Loire du 9 octobre 2024.

Juste parmi les nations, Odette a sauvé des vies

En 1942, en Maine-et-Loire, Odette Bergoffen a risqué sa vie pour protéger une mère juive et ses deux enfants. Son histoire est racontée dans un livre, présenté ce soir à Angers.

Odette Bergoffen

Odette Bergoffen, Juste parmi les Nations, dans son domicile de la couronne angevine.                         Photo : Ouest-France

Samedi 19 octobre, Odette Bergoffen, née Blanchet, fêtera ses 100 ans. Elle en parait bien vingt de moins. Assise à la table de sa maison angevine, qui ne croule pas sous le poids des souvenirs, elle se confie sans fard, dans un joli pull beige. Juste parmi les nations, un titre rare
attribué par Yad Vashem, l’institut International pour la mémoire de la Shoah, chevalière de la Légion d’honneur, Odette Bergoffen ne la ramène pas. « D’autres auraient pu faire mieux que moi », affirme-t-elle. On n’est pas du tout d’accord, surtout quand elle détaille, avec une grande vivacité d’esprit, son incroyable épopée. Sa fidèle aide de vie, Candy, n’en perd pas une miette.
Tout commence à Vernoil-le-Fourrier, une commune d’Anjou située à mi-chemin entre Angers et Tours (Indre-et-Loire). Ephraïm Moscovici, un juif originaire de Roumanie, et sa conjointe Louise s’y installent. Deux enfants, Jean-Claude et Liliane, naissent bientôt.

À vélo, en pleine nuit
Dans cette même commune, Odette passe toutes ses vacances chez sa grand-mère. « J’ai sympathisé avec Louise, et je promenais ses enfants dans le grand parc. » Ces souvenirs heureux semblent danser dans ses yeux. Tout bascule le 16 juillet 1942. Ephraïm et ses deux frères sont arrêtés, comme plus de 820 juifs de la région. Ils sont déportés à Auschwitz (Pologne) dans le sinistre convoi
numéro 8. « La nuit suivante, les Allemands sont revenus récupérer le reste de la famille, en défonçant le portail avec leur camion. Louise a laissé ses enfants à des voisins et s’est enfuie,
à vélo, en pleine nuit. » Odette l’a bientôt rejointe.
Les deux femmes trouvent refuge à Esvres, près de Tours. Elle rencontre un instituteur, du réseau CND – Cas- tille de Jean Meunier, le futur fondateur de La Nouvelle République du Centre-Ouest. Il fournit à Louise les « vrais faux papiers » nécessaires à son passage en zone libre.

« Je n’en tire aucune fierté »
« J’ai rejoint Louise à vélo dans l’Indre. 100 kilomètres, qu’est-ce que j’avais mal aux fesses !» Entretemps, les enfants Moscovici ont été arrêtés, puis envoyés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis).
Et là miracle : « Un de leurs oncles, lui aussi interné à Drancy, les a retrouvés avant de les faire sortir, grâce à une organisation juive. »

Odette Blanchet prend, une fois de plus, son courage à deux mains: elle récupère les deux enfants, puis les conduit en lieu sûr, en Touraine. Ce faisant, elle les sauve de la déportation et probablement de la mort. Quand on lui dit que ce qu’elle a fait est génial, elle réplique aussitôt : « C’est vous qui le dites! Moi, je n’en tire aucune fierté.»

Les enfants rejoignent bientôt leur mère en zone libre. Mais le lien indéfectible entre les Moscovici et Odette va s’avérer, une fois de plus, très pré- cieux. Ils se retrouvent bientôt tous à Morannes, aux confins de la Sarthe et du Maine-et-Loire

« Les deux gamins sur nos porte-bagages»

« Un oncle et une tante tenaient une épicerie, et nous aidaient. Et le curé de la paroisse nous a installés au fond du dortoir de l’école, dans un petit local spécialement aménagé. Les gens de la commune ont été très gentils avec nous. »

Cette parenthèse a duré plus d’un an, jusqu’au départ des Allemands. « Nous sommes repartis aussitôt pour Vernoil, avec les deux gamins sur nos porte-bagages », se sou- vient, amusée, la presque centenaire. À cet instant, on imagine parfaite- ment Odette sur son vélo, déterminée face à l’adversité, sans jamais penser aux risques encourus. « J’ai fait ce que je devais faire. J’étais prise dans une espèce d’engrenage, s’excuse- rait-elle presque. Il ne faut pas en faire un plat !»

Ce n’est pas l’avis du journaliste du Point François-Guillaume Lorrain. Dans Il fallait bien les aider, quand des justes sauvaient des Juifs en France, il relate quinze histoires de héros de l’ombre de la Seconde Guerre mondiale. Odette y figure en bonne place.