La « colo » des 10 gosses juifs de Montigny-le-Gannelon

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Dossier n°

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La « colo » des 10 gosses juifs de Montigny-le-Gannelon

La « colonie » de l’instituteur André Baccary à Montigny-le-Gannelon :

un coin de paix en pleine France vichyste !

 

Né à Montigny-le-Gannelon, domicilié à Bondy, André Baccary était instituteur à l’école Martel dans le Xe arrondissement. Dans ce quartier, de nombreuses familles juives vont être frappées par la Shoah. Et parmi leurs enfants, ceux confiés à cet institeur vont aussitôt constater que la défaite suivie du triomphe du Maréchalisme, ne vont pas entamer ses convictions d’homme de gauche et d’enseignant républicain.

Quand arrive le temps des rafles, André Baccary avertit les petits juifs de ne pas venir à l’école. Et quand les gosses de plus de 6 ans sont obligés de porter l’étoile de David, il veille à ce que cette marque stigmatisante soit respectée plutôt que raillée en classe.

Mais il faut savoir qu’auparavant, cet instituteur avait déjà pris en pension, chez lui, à Bondy, des gosses de parents juifs.
Orphelin de mère, Pierre Canetti fut le premier pensionnaire dès 1936. Il est rejoint par Henri Bronès en septembre 1939. Puis ce sont les trois Zavaro : Roger, René et Edith qui les rejoignent, leurs parents cherchant à les protéger de la persécution des juifs fin 1942…

Les dangers se précisant, les occupants et leurs collaborateurs de tous poils se montrant de plus en plus tragiquement efficaces, André Baccary et son épouse Clémence, prennent la décision de replier les gosses porteurs d’étoile une colonie de vacances à Montigny-le-Gannelon. Cette colo sympathique avait été ouverte en 1936 par l’instituteur et dans son pays natal. C’est là qu’il proposait de mettre au vert des élèves de son école, gosses de la capitale, le temps qu’ils respirent la campagne et s’y amusent.

Aux cinq enfants venant de Bondy, s’ajoutent cinq autres juifs : Henri Pechtner, Roger Friedmann et Albert, Henri et Renée Osinsky.

Le village va appliquer sans faille la loi du silence sur cette colonie devenue comme un havre de paix en pleine guerre.

L’instituteur continue à assumer ses cours à l’école Martel.
En son absence, sa femme, Clémence, et leur fille Yvonne, animent la colonie.
Aux retours d’André Baccary lors des week-ends et autres congés, il reprend en charge la scolarité des 10 enfants tout en préservant leur sécurité (ainsi par l’établissement de fausses identités pour les petits « clandestins »).

Ce 15 novembre, à Montigny, André Baccary et son épouse Clémence sont honorés à titre posthume comme Justes parmi les Nations. Leur fille Yvonne, ne sera pas oubliée, elle qui recevra sa propre Médaille et son Diplôme de Juste.
Le Comité Français pour Yad Vashem sera représenté par son délégué, Victor Kuperminc.

Ces trois Français osèrent cacher dix enfants promis aux chambres à gaz parce que juifs… Leur histoire est comme une lumière sur océan de cendres.

Radio Intensité :

– « Pendant la guerre, un instituteur a caché une dizaine d’enfants juifs à Montigny-le-Gannelon. Ceux-ci se sont retrouvés et se mobilisent pour lui faire décerner le titre de Juste parmi les Nations.
Dans un grand angle, le quotidien Libération revenait sur cette histoire extraordinaire cette semaine et mettait en avant le courage d’André Baccary et son épouse. C’est Henri, l’un des petits garçons juifs sauvés, qui est à l’initiative de cet hommage. Avec deux autres amis, ils sont revenus à Montigny en octobre dernier où ils ont été accueillis par le petit-fils d’André Baccary.

« L’hommage à André Baccary est dans notre cœur depuis toujours. On le porte au fond de nous-mêmes. Nous n’avions pas besoin de le clamer haut et fort. Mais finalement aujourd’hui avec le recul, on se rend compte qu’il a caché dix enfants, leurs parents aussi, Et ça, tout le monde ne l’a pas fait. Il a vraiment risqué sa vie pour sauver les autres», explique Henri. »

Claire Béguin (L’Echo républicain, 17 novembre 2008) :

– « Âgée aujourd’hui de 86 ans, Yvonne Baccary-Guillaume a pris la parole, avec un courage exemplaire et d’une voix claire. Fille d’André et Clémence Baccary, elle a également reçu la médaille de Juste parmi les nations. Au moment de l’occupation, elle était âgée de 22 ans :

« Le chemin de la tolérance »

« Papa et maman ont montré le chemin de la tolérance, du respect d’autrui, par l’aide apportée aux juifs injustement poursuivis par l’effroyable politique capable et coupable d’envoyer des innocents vers une mort atroce. Nous savions les risques et les dangers encourus à Paris, les enfants ont été alors cachés à la colonie de vacances mixte « Les enfants au grand air », située à Montigny-le-Gannelon. Mes parents m’avaient intégrée dans leurs missions. Ensemble, nous avons pu sauver celles et ceux qui sont aujourd’hui avec nous, ou en pensées. Des justes parmi les nations il y en a eu, chers parents le nôtre y est inscrit.»

De longs applaudissements ont retenti dans la salle à l’issue de son discours, devant l’assistance, les yeux emplis de larmes et rougis par l’émotion. Le nom des Baccary est aujourd’hui associé à celui des 21 000 personnes qui ont reçu cette haute distinction à travers le monde.
En France, on dénombre près de 3 000 personnes, qui ont été honorés du titre de Juste parmi les nations. Un titre qui a été créé en 1953 par le parlement israélien, la Knesset.
L’un de ses dix enfants sauvés a d’ailleurs fait la demande que la rue Charles-Martel à Paris, où se trouvait l’école où André Baccary était professeur, soit rebaptisée rue Baccary. Christian Aumont, maire (Modem) de Montigny-le-Gannelon s’est lui engagé à baptiser une place du village du nom des Baccary. »