Lagarde-Enval -Un couple corrézien reconnu « juste parmi les nations » hier, pour l’accueil d’une enfant juif
Du 27/10/2014
Odette Bouchailloux et Jeanine Fleygnac ont gardé de liens étroits avec les membres de la famille Siekierski.? – Photo Lionel Pavoz
François et Maria Bouilhac ont été reconnus «justes parmi les nations» à titre posthume. Une cérémonie avait lieu hier à Lagarde-Enval.
L’histoire est celle de deux familles. L’une est juive et vit dans les ténèbres, l’autre est corrézienne et porteuse de lumière. Dans la période de malheurs que fut la seconde guerre Mondiale, la première trouvera en partie son salut auprès de la seconde.
En 1940, la famille Siekierski vit à Paris, après avoir fui quelques années plus tôt les persécutions en Pologne. Mais face aux rafles qui se multipliaient en zone occupée depuis l’annexion d’une partie de la France par l’Allemagne nazie, le couple polonais et ses cinq fils fuient en zone dite « Libre », mais dont l’État autoritaire n’en restait pas moins antisémite. « Nous sommes arrivés en Corrèze mais nous aurions très bien pu atterrir dans le Cantal ou en Dordogne. Je n’avais pas l’impression que mes parents connaissaient très bien notre destination », se souvient Jacques Siekierski, membre de la fratrie.
Recherchée par les Nazis, la famille s’installe d’abord à Peyrelevade, puis à Naves et enfin Tulle. « La peur de la délation était très présente, si bien que la famille va faire le choix, sous l’impulsion du fils aîné Zelig, de se séparer », explique Mouny Szwarckopf-Estrade, historienne qui a mené une enquête sur la famille Siekierski.
La famille obligée de se séparer
La mère est cachée à la maternité de Tulle alors gérée par les bonnes s’urs. Léon et Bernard vont à Servières-le-Château. Jacques atterrit dans une ferme près de Corrèze. Il gardera les vaches pendant plus d’un an. Andrée quant à lui, un bébé de seulement 18 mois trouvera refuge chez une famille de paysans, les Bouilhac. « L’histoire raconte que Zelig est entrée dans une maison au hasard et qu’il a demandé au couple de bien vouloir cacher son frère. Maria et François Bouilhac, bien qu’ils aient déjà deux filles (Odette et Jeanine), auraient tout de suite accepté », explique l’historienne, tout en avouant que la vérité a « peut-être été embellie ».
Si les Allemands découvrent l’enfant, les Bouilhac s’exposent à de terribles sanctions. Mais il en faut plus pour les arrêter. Maria joue la mère de substitution. François s’engage dans la résistance. Quand le jeune André se blesse à la main, les deux parents provisoires n’hésitent pas à lui trouver de faux papiers, indispensables pour lui procurer des soins. « À la fin de la guerre, quand la famille Siekierski est venue rechercher le jeune André, ce dernier ne voulait pas partir. Il appelait même Maria « Maman » », explique Mouny Estrade.
Même s’il finira par rejoindre les siens, André et sa famille d’adoption resteront en contact toute leur vie. « À chaque fois qu’il leur rendait visite, Maria regardait sa main pour voir la cicatrice. Comme ça, elle était certaine de le reconnaître ».
Article lié au Dossier 12710