L’Avocat des Juifs, Yossel de Rosheim
« L’Avocat des Juifs. Les tribulations de Yossel de Rosheim dans l’Europe de Charles Quint »
par Selma Stern aux Editions La Nuée Bleue (Strasbourg).
Quatrième de couverture :
– Au début du XVIe siècle, dans un Saint Empire romain germanique chahuté par des conflits incessants, les guerres de religion et les révoltes paysannes, en proie à toutes les peurs, les juifs cristallisaient beaucoup de haines populaires.
C’est dans ce contexte de violence que, dans la petite ville impériale de Rosheim en Basse Alsace, un érudit devenu prêteur sur gages, Yosselman (1478-1554), se leva pour défendre ses frères juifs persécutés. Il partit à la rencontre des grands de son temps afin d’alléger les menaces qui pesaient sur ses coreligionnaires de tout l’Empire. Il réussit à placer les juifs sous la protection directe de Charles Quint. L’empereur, écoutant leur avocat, les défendit à maintes reprises contre les terribles décisions des princes et des villes.
Fait unique dans l’histoire du Saint Empire, les juifs allemands disposèrent alors d’un représentant qui était à la fois investi par ses frères et reconnu par les princes. Grâce à un sauf-conduit de l’empereur, celui qu’on appela désormais « Yossel de Rosheim, commandeur des juifs allemands » put se déplacer partout, s’épuisant à défendre ses frères dans les cours et les diètes, et lors de controverses publiques.
Courageux et charismatique, Yossel était aussi un esprit politique avisé qui savait faire des choix, soutenant résolument Charles Quint contre les princes protestants, dénonçant Luther pour ses écrits contre les juifs.
Personnage romanesque dans une époque de bouleversements où les lumières de la Renaissance se voilaient d’ombres dangereuses, Yossel fut aussi un réformateur pénétrant, désireux d’améliorer la place des juifs dans la société, établissant par exemple une base juridique au prêt à intérêt.
Selma Stern, historienne allemande (1890-1981), auteur de cette biographie éditée en 1959 et traduite pour la première fois en français, a écrit plusieurs ouvrages de référence, inédits en français, sur l’histoire du judaïsme :
– Le Juif de Cour
et
– L’Etat prussien et les Juifs.
Réfugiée aux Etats-Unis en 1941, où elle fut nommée docteur honoris causa au Hebrew Union College à Cincinnati, elle ne rentra en Europe qu’en 1960, après la publication de la biographie de Yossel. Celui qu’elle appelait « l’homme exemplaire » l’aida à surmonter l’horreur de la Shoah et à se réconcilier avec son pays. Elle vécut ensuite à Bâle où elle a poursuivi ses travaux.
Traduit de l’Allemand et préfacé par Freddy Raphaël et Monique Ebstein.
Dernières Nouvelles d’Alsace :
– Né peut-être en 1478, Yossel, un juif vivant à Rosheim sous le Saint Empire romain germanique, mourut vers 1554. Entre ces deux dates, une certitude : 40 années de risques et de voyages pour la défense des communautés juives d’Alsace et d’ailleurs auprès des puissants religieux et laïcs.
(4 septembre 2008)
Patrick Boucheron (Le Monde) :
– Né dans une petite ville impériale de Basse-Alsace, cet érudit subtil devenu prêteur sur gages parvint à se faufiler dans les failles confessionnelles d’un Saint Empire ébranlé par la réforme luthérienne pour attirer vers sa communauté la protection de Charles Quint, qui le reconnut comme « commandeur des juifs allemands ».
Or, ce travail diplomatique intense passait par une politique de mémoire : se rendant à Würzburg en 1544 pour tenter de sauver d’une mort certaine des juifs accusés de meurtre rituel, Yossel se fit remettre un livre de prières sur la première page duquel un certain Jacob ben Izthaq, de Nuremberg, avait évoqué l’histoire des persécutions des juifs d’Alsace durant les années 1470. Il y reconnut des fragments de mémoire familiale :
– « Ce que j’avais entendu de la bouche de mon père et de ma mère ».
Ecrire ses Mémoires fut donc pour Yossel un geste politique : il fallait se souvenir pour se sauver, rappeler les souffrances passées pour éviter qu’elles ne reviennent.
(3 octobre 2008).
Illustration : Vie de Yossel de Rosheim, un Shtadlan (celui qui s’efforce). Source : Histoire des Juifs.
Yolande Baldeweck, (L’Alsace.fr) :
– « Yossel de Rosheim (1478-1564) est le personnage qui représente par excellence la nation juive allemande au début des Temps modernes, au seuil d’une période longtemps considérée comme l’une des plus cruelles de l’histoire des juifs d’Allemagne »,
écrivit l’historienne Selma Stern, en introduction à la biographie éditée en 1959, qu’elle consacra à ce juif de Rosheim.
Érudit devenu prêteur d’argent, il se fit l’avocat de ses coreligionnaires auprès de l’Empereur Charles Quint. Elle-même, qui avait quitté tardivement l’Allemagne nazie en 1941 pour se réfugier à Cincinnati, fit « le parallèle entre l’époque de la Renaissance et de la Réforme et l’horreur des chambres à gaz ». Car vers la fin du XVe siècle, l’accusation de meurtres rituels par les juifs se répandit dans toute l’aire germanique, tout comme celle de profanation d’hosties, entraînant l’exécution, après d’horribles souffrances, de ceux qui avaient été condamnés.
« Yossel fut élu par toutes les communautés de l’Empire comme leur représentant. Cela va l’amener, de Rosheim à Vienne, Prague, Breslau. Il échoua partiellement en ce qui concerne les accusations contre les juifs. Par contre, ce qui fut extraordinaire, ce furent les liens d’amitié avec Charles Quint que ce dernier n’eut jamais avec Martin Luther. Il réussit aussi à prendre le dessus lors de joutes oratoires mises en scène par les princes et les évêques », observe Freddy Raphaël qui, avec Monique Ebstein, a travaillé durant trois ans pour traduire l’ouvrage de Selma Stern, l’enrichir d’annexes critiques et de notices biographiques.
Un travail qui « l’engage fortement ». Car, Yossel de Rosheim, figure méconnue, « mais qui fait sens et donne de l’espoir », Freddy Raphaël souhaite que « l’Alsace se l’approprie comme une exigence de rapports à construire à soi-même et aux autres ». « À cause de sa relation avec le monde chrétien, mais aussi parce qu’il a fait preuve d’une exigence morale à l’égard des siens », explique le sociologue pour qui « le judaïsme alsacien, qui n’est ni fanatique, ni obsédé par l’application vétilleuse de la loi, doit garder sa petite tonalité ».