Le Journal de Petr Ginz
Petr Ginz,
Journal (1941-1942),
Seuil, 2010, 184 p.
Ecrits d’un adolescent tchèque
avant Auschwitz…
4e de couverture :
– « Prague, 1941. Petr Ginz, un adolescent juif âgé de quatorze ans, entame un journal. Celui-ci, avec ses références sobres et concises, ponctuées de poèmes et de dessins, reflète un insatiable appétit de connaissances et de lectures et atteste de dons littéraires et artistiques très sûrs.
Avant tout, il capte avec une ironie et un sens aigu de l’absurde la texture de plus en plus précaire de la vie quotidienne, la tension palpable, la peur du « transport à l’Est ». Et il décrit comment la ville bien-aimée et familière se transforme peu à peu en un « ghetto sans murs », un espace en apparence ouvert mais délimité par un nombre croissant d’interdictions.
Le journal s’achève à l’été 1942, avec le départ de Petr au camp de Terezín. Pendant deux ans, il y déploie une grande force morale, crée et édite la revue clandestine Vedem (« Nous menons »), continue furieusement à dessiner, peindre, écrire et lire, se préparant avec un optimisme indéfectible à un avenir meilleur qu’il ne connaîtra jamais. Le 28 septembre 1944, il monte à bord d’un train à destination d’Auschwitz.
Cet ouvrage est un document historique d’une valeur inestimable, le témoignage candide et bouleversant d’une jeune vie pleine de promesses, brutalement interrompue par la barbarie nazie.
Edition établie et annotée par Chava Pressburger.
Préface de Saul Friedländer.
Traduit du tchèque par Barbora Faure. »
Extrait de l’introduction :
– « Il ne s’agissait guère que de deux petits cahiers : l’un à couverture noire, souple, découpée dans un vieux cahier de classe, l’autre avec une couverture plus solide, cartonnée, tigrée de jaune et de noir, provenant peut-être d’un ancien livre de comptes dans lequel nos parents notaient les dépenses quotidiennes du ménage. Petr avait relié lui-même ces deux cahiers en utilisant de vieux papiers et il s’en servait pour écrire son journal. Il n’était guère facile de trouver quelque chose à acheter en ces temps de guerre et pour des enfants juifs un beau cahier neuf vendu en papeterie était tout à fait hors de portée.
Mais Petr avait pris plaisir à fabriquer ces cahiers, tout comme il appréciait chaque occasion d’être créatif. Il utilisait ces cahiers reliés à la main non seulement pour son journal, mais également pour ses oeuvres littéraires, pour ses manuscrits. Dans son imagination d’enfant, il se voyait relieur, homme de lettres, éditeur, reporter ou chercheur. »
Aperçu de l’écriture de Petr Ginz (BCFYV/DR).
Radio CZ :
– « Le premier train transportant des Juifs tchèques arrive à Terezin le 24 novembre 1941 (…). Ils sont mis dans l’ancienne forteresse de Terezin transformée par les nazis en ghetto juif.
De puissantes murailles en briques rouges, des casemates obscures, humides et froides, des fossés qui pouvaient à tout moment être remplis d’eau de la rivière Ohre dans laquelle étaient jetées les cendres des morts.
Terezin n’était pas un camp d’extermination, les gens ne mouraient pas ici dans des chambres à gaz. Pourtant 33.430 personnes, soit plus d’un quart des 140.000 prisonniers passés par Terezin, y sont mortes à la suite des mauvaises conditions d’hygiène, de sous-alimentation, de maladies, de souffrances physiques et psychiques. »
{Terezin était une étape dans le système concentrationnaire. Nombre de déportés étaient ensuite envoyés vers les camps d’extermination d’Auschwitz, de Treblinka, de Bergen-Belsen…}
Tel a été le sort de Petr Ginz, né en 1928 dans une famille pragoise d’origine juive, déporté à l’âge de 14 ans à Terezin.
Un grand talent littéraire et pictural, comme en témoignent ses notes, ses dessins et son journal qu’il a écrit depuis le mois de septembre 1941 jusqu’au mois d’août 1942.
Ces documents ont été retrouvés par un concours de circonstances exceptionnelles 60 ans seulement plus tard.
Comme nous l’avons déjà signalé, l’un des dessins de Petr Ginz (…) sauvegardés à Terezin, « La planète Terre vue depuis la Lune » a été emporté dans l’espace à bord de la navette spatiale Columbia, par le cosmonaute israélien Ilan Ramon, pour accomplir symboliquement son rêve.
Quelques semaines après la tragédie de la navette Columbia, en 2002, une famille de Prague a contacté le musée Yad Vashem de Jérusalem pour lui annoncer la trouvaille, au grenier de sa maison, d’autres objets personnels de Petr Ginz : six cahiers et ses dessins, en majeure partie les illustrations des romans de Jules Verne, son auteur préféré, ainsi que la première partie de l’un de ses romans, deux autres cahiers comprenant ses articles et une liste de travaux littéraires qu’il a rédigés.
Cet héritage est devenu une propriété du musée Yad Vashem de Jérusalem, à l’exception de quelques dessins et du journal qui appartiennent à la soeur de Petr, Chava Pressburger, installée en Israël. »
Vladislav Zadrobilek, éditeur tchèque :
– « La dernière note dans son journal écrite encore avant sa déportation, à Prague, sa ville natale tant aimée, porte la date du 9 août 1942. C’est un dimanche, et Petr écrit :
« La matinée, je suis à la maison », ignorant ce qui allait arriver.
Selon la classification des lois de Nuremberg, l’enfant de mère non juive et de père juif ne leur appartient plus, après avoir atteint l’âge de 14 ans : il est une propriété des autorités nazies, du Reich. Petr Ginz est emmené en Pologne, et il n’est plus…
C’est triste, car la navette spatiale qui a porté son dessin dans le cosmos s’est décomposée le jour de l’anniversaire de Petr, voilà la fin la plus triste de toute cette histoire… »
Petr Ginz, adolescent que va emporter la Shoah (BCFYV / DR).
André Burguière :
– « Anne Frank n’est pas la seule jeune victime de la Shoah à avoir laissé le récit de ses peurs et de son espoir.
C’est le cas de Petr Ginz. Jeune Praguois, juif par son père, il porte l’étoile jaune à 14 ans.
«L’avenue Dlouhá [artère du quartier juif] est devenue la Voie lactée », note-t-il avec humour en septembre 1941.
Un an après, il est déporté au camp de Terezin. Graveur, aquarelliste, écrivain, il a tous les dons, qu’il accumule pour résister à la barbarie. Elle finira par l’engloutir à Auschwitz, en septembre 1944. »
(Le Nouvel Observateur, 13 mai 2010).