Marçon – Reconnue Juste pour son héroïsme
Du 05/09/2014
Armand de Malherbe et Didier Lazard en 1993.
Maria Dolores de Malherbe est reconnue, à titre posthume, Juste parmi les Nations, pour avoir accueilli un Juif, pendant l’occupation allemande, de 1943 à 1944.
Armand de Malherbe se souvient de l’époque où sa mère, Maria Dolores, a recueilli un Juif, chez elle, à Poillé, sur la commune de Marçon. Pour cet acte héroïque, cette mère de famille a été reconnue Juste parmi les Nations. Une cérémonie en son honneur aura lieu le dimanche 7 septembre à 11 h, sur la place de l’église, à Marçon.
Caché 19 mois
1943. Didier Lazard se cache en Sarthe depuis plusieurs mois, sous un faux nom, celui de Lucien Didier. Après le camp de jeunesse de La Marcellière à Marçon, il est devenu précepteur chez le maire de Beaumont-sur-Dême.
« Quelqu’un qui avait été à l’IEP avec lui a dit au maire qui il était », raconte Armand de Malherbe. « Il lui a donné 8 jours pour quitter les lieux. »
C’est ensuite le curé du village, l’abbé Bézine, qui l’accueille. Celui-ci rentre alors en contact avec Maria Dolores de Malherbe, qui accepte d’abriter le jeune homme, dès février.
« Je le sentais sur le qui-vive »
Docteur en droit, diplômé de Sciences Po, « il est venu pour m’aider dans mes études », poursuit Armand. « Il se tenait principalement dans la maison, le jardin ; il sortait sur la place du village, participait au ravitaillement dans les fermes. » Même s’il ne vit pas reclus, l’attitude de Didier Lazard laisse perplexe Armand, qui ne connaissait rien alors de ses origines : « je le sentais sur le qui-vive. » Il lui demande alors ce qu’il cache. « Je me rappellerai toujours. Il m’a dit, très angoissé : “je suis juif”. »
« Elle n’a pas hésité »
« Ma mère était veuve », précise son fils. « Elle venait de perdre son beau-père, elle était isolée, mais elle n’a pas hésité. On connaissait les risques : la déportation ou l’exécution. » Car c’est toute la famille qui est menacée, même si les troupes d’occupation sont absentes de cette région rurale.
Il en est autrement, après le débarquement des Alliés, début août 1944.
À travers les troupes allemandes
Vers 4 h, et seize heures durant, une centaine de soldats allemands accompagnés d’un détachement de SS investissent le domaine de Poillé. « Il a fallu organiser sa fuite dans une ferme amie. » Pour cela, Armand et Didier (en tenue de jardinier) se frayent un chemin au travers des troupes. « Ils nous ont dévisagés. »
Journée décisive pour les De Malherbe, car, dans le même temps, l’interprête alsacien des Allemands trouve refuge dans leur maison. Deux de ces « malgré-nous » réussiront à fuire grâce à l’aide de la famille.
Une longue amitié
Quelques jours plus tard, « on s’est retrouvé par hasard sur la place de la République au Mans », se remémore Armand. « Lui allait à Paris, et moi je partais pour rejoindre la 3e armée américaine. »
Armand de Malherbe effectuera la campagne d’Allemagne et restera 2 ans dans les rangs. Il sera maire de Marçon pendant plus de 40 ans.
Didier Lazard publiera après la guerre, le Procès de Nuremberg, ainsi que plusieurs ouvrages sur sa famille. Les deux amis resteront en contact jusqu’au décès de Didier, en 2004.
Une famille émue
10 ans après, une cérémonie va officialiser le titre de Juste à Maria Dolores de Malherbe.
» Ma famille, mes enfants et petits-enfants sont très émus par cette reconnaissance. Ils sont tous très désireux qu’on soutienne le dialogue, qu’on évite la violence et la discrimination. Nous nous sommes tus pendant longtemps, on a accepté de témoigner à l’initiative de l’association Yad Vashem. On sent un climat d’intolérance se développer, explique Armand de Malherbe qui conclut modestement : Nous avons le sentiment d’avoir fait notre devoir comme une soixantaine de familles du département reconnues Justes parmi les Nations, sans oublier les Résistants dont certains ont payé leurs activités de leurs vies. »
En Sarthe, ces Justes ont ainsi sauvé plusieurs centaines d’enfants.
Article lié au Dossier 12702