Modeste in memoriam
Persécution et déportation des Juifs de Hollande,
Souvenirs lointains…
Quatrième de couverture, Ed. du Rocher :
– « Dans ces souvenirs publiés pour la première fois aux Pays-Bas en 1983, l’auteur évoque des images d’une adolescence qui s’est déroulée durant la Seconde Guerre mondiale. Appartenant à la population alors la plus menacée, elle a vu sa vie bouleversée. Entreprenant d’écrire une lettre à son fils, elle décide finalement de rédiger ce petit document. Ce « témoignage » ne recense pas des atrocités, c’est un récit simple et sobre, un discret monument à la mémoire des morts, qui se veut aussi un plaidoyer pour une réconciliation. »
René de Ceccatty – Le Monde (11 janvier 2008) :
– « Le témoignage d’une déportée hollandaise, Evelien Van Leeuwen. Les grands livres ont leur temps, comme les justes confidences. Ils attendent le moment opportun, pour être écrits, publiés, traduits parfois. Tant de témoignages se sont perdus dans le vide. On connaît le triste destin de Primo Levi, entouré trop longtemps de sourds ou d’aveugles, et même parmi les intellectuels qui auraient dû être ses plus efficaces soutiens…
Evelien Van Leeuwen travaille dans l’édition comme traductrice (d’allemand, de latin, de français) (1). Elle ne manquait pas de moyens intellectuels, ni de savoir-faire, ni de relations sociales dans le milieu éditorial. Mais elle a attendu 1983 pour publier un récit apparemment discret, pour que les générations futures n’oublient pas. Elle avait alors 55 ans. Elle allait attendre vingt ans encore pour être traduite en français.
En cela, par le fait d’avoir attendu près d’un demi-siècle pour raconter son histoire, elle ressemble à beaucoup d’anciens déportés. Puisque c’est de la déportation des juifs qu’il s’agit. Comme si la parole avait exigé tout ce délai pour se faire entendre. Car chaque mot doit atteindre son objectif, qui n’est pas forcément de provoquer l’émotion (le pathos des films commerciaux peut aussi bien réussir à arracher des larmes aux plus endurcis), mais de donner au lecteur la conscience aiguë d’une réalité inadmissible…
Les derniers chapitres de ce livre admirable sont peut-être les plus admirables eux-mêmes, parce que, échappant au récit de l’horreur, l’auteur sort du temps de cette mémoire lointaine. Elle s’adresse d’abord à son fils qui ne sait pas et ne saura jamais, quoi que sa mère lui dise et lui écrive, la réalité derrière les mots. Les mots sont là, écrits et prononcés, mais ils ne parviennent pas jusqu’à lui, qui doit vivre. Alors une humanité bouleversante se laisse entrevoir, qui semble, l’espace d’un miracle, plus forte que la chiennerie. »
Le Monde (10 juillet 2008) :
– « Un demi-siècle après sa déportation, une intellectuelle hollandaise publie une lettre ouverte à son fils, pour raconter d’un ton neutre la tragédie « ordinaire » des juifs aux Pays-Bas. Ce livre discret, tardivement traduit en français, est une leçon de lucidité, un modèle de sobriété littéraire. »
Premières lignes :
– « POURQUOI Un jour – assise dans le train qui me conduit en RDA, je vois défiler sous mes yeux les paysages de l’Allemagne -, une pensée me traverse soudain l’esprit : l’heure est venue de consigner les souvenirs de l’enfant que j’ai été, l’enfant qui a passé, avec sa mère, deux années dans les camps allemands. Épisode qui a bouleversé ma vie.
À partir de là, tout a été scindé en trois : un avant-la-guerre, un pendant-la-guerre, un après-la-guerre. D’une façon brutale et cruelle, une fille juive, E., qui avait grandi dans une famille heureuse et prospère, dans un milieu protégé et cultivé, a vu son enfance prendre fin.
Quarante ans plus tard, je veux essayer de restituer de ces souvenirs une image – incomplète et passée au tamis du temps -, pour mes enfants. Afin qu’ils apprennent, voire comprennent, certaines choses relatives au monde qui était alors le mien, à la façon dont j’ai vécu l’époque et y ai survécu, à la différence de la grande majorité. D’avoir survécu m’a amenée à écrire un Modeste in memoriam pour les nombreux anonymes qui n’ont pas eu la même chance et pour ceux dont la vie s’est accompagnée depuis d’une peine incommensurable et souvent d’un grand courage : dans ces pages, ils sont représentés, pour les premiers, par la personne du père, du frère J. et de la soeur F., et pour les seconds par la personne de la mère. »
Note :
(1) Evelien van Leeuwen a entre autres traduit en Néerlandais Cicéron, Colette (Le Blé en herbe, La Naissance du jour, La Paix chez les bêtes), Boileau-Narcejac, Jurek Becker, Stefan Heym, Christa Wolf.
Le Sammellager de Vugth, soit le Drancy de Hollande. Photo prise par l’aviation américaine. Document : Jewish Virtuel Library.