Poètes face à la Shoah

Dossier n°

Poètes face à la Shoah

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« Bruits du temps. Poèmes de Czernowitz »

Traduction et présentation de François Mathieu.
Ed. Laurence Teper.

Présentation par la Maison d’Edition :

– « Les douze poètes réunis dans ce recueil sont nés entre 1898 et 1924. Tous ont écrit dans un contexte historique tragique, celui de l’extermination des Juifs d’Europe, qu’ils ont vécue à Czernovitz, austro-hongroise jusqu’à la première guerre mondiale, puis tour à tour roumaine, soviétique, allemande. Sans former une école, ils ont constitué dans l’histoire littéraire européenne un ensemble unique que l’introduction et la traduction de François Mathieu permettent de découvrir.
Les poèmes sont précédés, dans l’ouvrage, d’une introduction de François Mathieu qui raconte l’histoire de Czernovitz au xxe siècle et qui comprend plusieurs cartes et photos. »

Alain Veinstein, France Culture :

– « En ce mois d’avril nait une nouvelle collection (de poésie, de plus !), Bruits du temps chez l’éditrice Laurence Teper. Laurence Teper qui, depuis 2003, calmement (trente titres à son catalogue), crée peu à peu un univers culturel original. Bruits du temps se donne comme ambition de nous faire découvrir et lire des oeuvres poétiques étrangères dans leur ancrage géographique, historique et politique, dans la résistance qu’elles opposent au lieu et à la période. Laurence Teper, ancienne éditrice de livres scolaires chez Nathan, ancienne enseignante, se fait pédagogue en poésie… Elle accompagne la traduction de ces textes poétiques avec des cartes, des photos et des petits essais biographiques. Des chemins de traverse qui nous laissent le temps d’apprivoiser des auteurs et leurs mots.
Le premier opus Poèmes de Czernowitz. Douze poètes juifs de langue allemande (traduits et présentés par François Mathieu) inaugure la collection. Douze poètes nés entre 1898 et 1924 qui sans former une « école », ont constitué un ensemble original dans l’histoire littéraire européenne :


Rose Ausländer, Klara Blum, Paul Celan, David Goldfeld, Alfred Gong, Alfred Kittner, Alfred Margul-Sperber, Selma Meerbaum-Eisinger, Moses Rosenkranz, Ilana Shmeli, Immanuel Weissglas, Manfred Winckler.

Tous ont vécu dans « la Petite Vienne », Czernowitz en Bucovine, dans la première moitié du siècle. Czernowitz qui jusqu’en 1914 étonne les voyageurs occidentaux par sa liberté, sa tolérance et sa modernité. Après la chute de l’empire Austro-hongrois et son annexion par la Roumanie, sa situation se dégrade et l’antisémitisme croît. La multiplicité des langues parlées au sein de la ville va se réduire au roumain, qui devient obligatoire. De juin 40 à juillet 41, Czernowitz est sous domination soviétique, avant d’être à nouveau roumaine puis sous la férule de l’Allemagne nazie. Un concentré de la déflagration de l’Europe centrale… Cette anthologie montre comment ces poètes ont dû trouver dans le monde et surtout à travers leurs poèmes une fissure où ce(s) désastre(s) (perte d’un lieu, d’une identité, déportations et mort des êtres aimés…) puissent s’intégrer. »

Patrick Kechichian, Le Monde (30 mai 2008) :

– « D’abord menée par les Soviétiques, puis systématisée par l’Allemagne et son allié roumain, l’homogénéisation ethnique va se traduire par les déportations et les meurtres de masse à partir de l’été 1941. Le 11 octobre, le gouvernement militaire de Czernowitz parque 50 000 personnes dans le ghetto créé dans un îlot de maisons déjà surpeuplées – près de 30 000 seront déportés dans les semaines qui suivent. Après la défaite des nazis et de leur alliés, l’Union soviétique annexe de nouveau la Bucovine, qui intègre la république d’Ukraine. Les juifs survivants ont déjà quitté la région et gagneront, par étapes successives, Vienne, Paris, la Palestine, les Etats-Unis ou l’Allemagne.
Les poèmes disent tous la plus extrême souffrance et la douceur déchirante de ce qui fut détruit. Les douze destins que raconte ce livre se croisent souvent. Parfois avec retard, comme pour Paul Celan et Ilana Shmueli, les vies se mêlent, au titre d’une référence commune à ce monde massacré. Avec ses orthographes instables, le nom de Czernowitz devient celui de ce monde et prend valeur de symbole. « Czernovitz est bien loin derrière nous/qui était fabuleuse avec ses marronniers/qui n’a pas été/mais les bougies ne cessent dans le feuillage/de changer le printemps en prière… », écrit Manfred Winkler, qui, installé en Israël en 1959, écrira : « Mon amour pour la langue allemande et sa littérature n’a pas souffert de mon passage vers l’hébreu. » Cet « amour », commun aux douze poètes, est la plus haute et la plus belle réponse à la destruction programmée et exécutée dans cette même langue. »


Mémorial de la Shoah à Czernowitz (DR).