Quinze élèves du CFA d’Auzebosc participent au projet « Auschwitz en héritage»
Du 22/01/2016
Les jeunes du CFA ont été accueillis dans la ferme des Justes à Hattenville par leur fils Léopold Ermel
Auzebosc. Quinze élèves du CFA, actuellement en Terminale Bac Pro, participent pour la première fois au projet pédagogique « Auschwitz en héritage », proposé par la région Normandie et le Mémorial de la Shoah.
Difficile de ne pas trouver la ferme de Léopold Ermel, dans le village d’Hattenville, non loin de Fauville-en-Caux. À côté de la grille d’entrée, trône une immense plaque de marbre noir, surmontée d’un drapeau français et d’un drapeau israélien. Sur la plaque, on peut lire « Qui sauve une vie sauve l’univers » – « Le peuple juif reconnaissant » et deux noms : Léopold Ermel et Marie Anquetil. Celui qui reçoit les jeunes s’appelle aussi Léopold Ermel. Il est le fils des Justes.
Cette distinction suprême est accordée par le peuple juif à tous les non juifs qui, au péril de leur vie, ont protégé, sauvé ou recueilli chez eux ou dans des institutions laïques ou bien religieuses des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. C’est en 2010 que Léopold Ermel fils a reçu, des mains de l’ambassadeur d’Israël, cette prestigieuse distinction, au nom de ses parents.
Max-Henri
En 1942, l’abbé Anquetil, frère de Marie Anquetil, l’épouse de Léopold Ermel, propose à sa sœur de recueillir un jeune homme dont les parents viennent d’être fusillés. Max Kettler est juif ; ses jours sont comptés. Le couple d’agriculteurs, installé à Hattenville, accepte. Max sera valet de cour, comme on disait à l’époque pour désigner les ouvriers agricoles. Mais Kettler ne fait guère cauchois. Les gens risquent de jaser et les Allemands sont tout proches : 200 d’entre eux sont en cantonnement à Fauville.
Pour couper court à toute dénonciation, Max Kettler devient, comme par magie, Henri Cartier, avec l’aide de M. Allais, le maire du village à l’époque, et de Mme Coquais, institutrice et aussi secrétaire de mairie : ils ont les cartes d’identité vierges et les tampons qu’il faut. Max, avec ses « vrais faux papiers », travaillera au grand jour chez les Ermel.
Léopold fils, né en 1948, n’a évidemment aucun souvenir de cette période. Seulement une photo jaunie montrant Max en train de couper du bois avec son patron. À la Libération, Max épousera Jacqueline, une jeune fille du coin. Puis ils s’installeront à Rouen. Max y deviendra représentant de commerce de la célèbre maison de confiserie Barnier. Il ne manquera jamais de revenir voir ses bienfaiteurs le dimanche et on le verra souvent chasser avec Léopold père dans la plaine.
Ce sont les jeunes du CFA qui ont choisi les Justes comme thème pour participer au projet pédagogique « Auschwitz en héritage ». L’aide de Laurent Garreau, leur professeur d’histoire, et de Michaël Simon, leur professeur de français, ne sera pas de trop. Le projet pédagogique est particulièrement ambitieux. Il a commencé en décembre dernier. Les jeunes ont alors rencontré Ginette Kolinka, une ancienne déportée de 91 ans, au Mémorial de Caen. Puis, ils devront rédiger un rapport sur les Justes, choix de leur étude. Le 25 mars prochain, ils s’envoleront vers Auschwitz pour découvrir l’horreur des camps de la mort. Une restitution globale sera faite à leurs camarades du campus agricole d’Auzebosc et le 25 mai, c’est au Mémorial de Caen que nos historiens en herbe présenteront leur dossier. Cinq autres établissements seront également en lice. De quoi faire monter la pression !
Mais l’essentiel n’est pas là. Pour Stéphane Michel, le directeur du CFA, « ce projet permet à nos jeunes, qui ne sont pas des littéraires, de s’ouvrir sur d’autres univers. Sans parler du devoir de mémoire, de plus en plus indispensable dans notre époque si troublée. Je suis très fier d’eux ! »