Une Juste à Vire
Du 02/11/2011
Madeleine Herbert le jour de ses cent ans avec sa fille et son arrière petit-fils.
Dimanche 13 octobre à 15 h à la mairie de Vire, la Viroise Madeleine Herbert recevra la médaille des Justes parmi les Nations. Ce sera le cadeau de sa fille Monique pour ses 100 ans, et une première pour la ville de Vire.
Dimanche 13 novembre à 15 h, Madeleine Herbert, qui a fêté ses 100 ans le 10 mars et qui habite dans un appartement de la rue des Sablonnières, recevra la médaille des Justes parmi les Nations des mains d’Elad Ratson, directeur des relations publiques auprès de l’ambassade d’Israël en France. Elle le doit à sa fille Monique Rivoallan qui, pour les 100 ans de sa mère, s’était mis dans l’idée de retrouver, pour l’inviter à cette fête, “le petit Jacques” dont elle parlait de temps à autre et qu’elle disait avoir sauvé d’une mort certaine.
Suite à plusieurs petits miracles, Monique Rivoallan a pu entrer en contact avec Jacques Goldnadel, aujourd’hui âgé de 78 ans qui vit désormais en Israël et qui sera à Vire le 13 novembre.
“Mme Herbert m’a fait passer pour son fils”
Dès qu’il a su que Mme Herbert était toujours vivante, Jacques Goldnadel a immédiatement écrit à l’Institut Yad Vashem pour qu’elle soit déclarée Juste parmi les Nations. Et d’ajouter : “Je vous demanderai de bien vouloir mettre ma demande dans les priorités vu son âge”… ce qui a été fait et bien fait.
Jacques Goldnadel a témoigné en ces termes pour l’Institut : “Je suis né le 24 octobre 1933 à Paris. Mes parents Ber Goldnadel et Rivka Konstabler étaient nés à Varsovie. Mariés, ils avaient immigré en France et, au moment de la guerre, ils résidaient route d’Aunay à Vire. Commerçants en prêt-à-porter, ils avaient un magasin rue Chaussée. Au début, les déportations visaient surtout les hommes. Mon père, ayant une santé précaire, avait été accepté dans un sanatorium à Dreux, où il a séjourné jusqu’à la Libération. Ma mère tenait le magasin et s’occupait de moi. Un soir, les gendarmes de Vire, accompagnés de la Gestapo, ont sonné à la porte. Ma mère m’a caché et j’entendais apeuré qu’on la questionnait sans ménagement pour savoir où se trouvait mon père. Elle a résisté à cet interrogatoire et n’a pas livré l’adresse de mon père. À leur départ, ils lui ont dit de bien réfléchir et qu’ils reviendraient le lendemain”. À Mortrée puis à Guéret “Sans perdre de temps, ma mère a appelé sa vendeuse, Madeleine Lacroix, future Mme Herbert, a fait ma valise et je suis parti avec elle. Elle m’a conduit chez ses oncle et tante, M. et Mme Papillon, qui exploitaient une petite ferme à Mortrée (Orne). J’y suis resté deux ans, sans nouvelles de mes parents. À la suite d’une dénonciation, j’ai été une nouvelle fois éloigné par Madeleine Lacroix, qui m’a conduit en train à Guéret (Creuse), prenant beaucoup de risques et me faisant passer pour son fils. Par la suite, j’ai appris que ma mère avait été arrêtée, puis déportée le 14 juillet 1942 à Auschwitz, où elle est morte le 7 août de la même année.”
“Dans le train vers la zone libre”
Comme Jacques Goldnadel, Marie Rivoallan a témoigné. Elle a écrit : “Ma mère avait 25 ans quand elle a fait la connaissance de Bernard et Régine Goldnadel et de leur fils Jacques. Ils sont arrivés en France en 1925 et ont vécu à Paris, où Jacques est né. Puis ils se sont installés à Neuville-Vire comme marchands ambulants et commerçants exploitant le magasin Au chic de Paris, rue Chaussée. À partir de l’automne 1940, ils sont directement touchés par les mesures antisémites du gouvernement de Vichy (aryanisation de leur commerce en décembre 1940). Ma mère continue cependant à être employée. Au printemps 1942, Mme Goldnadel a fait appel à ma mère pour prendre soin de son fils. Ma mère l’a accompagné jusqu’à la ferme de sa soeur Léontine Papillon à Mortrée. En 1944, suite à une dénonciation, elle l’a conduit en zone libre à Guéret (Creuse) en le faisant passer pour son fils lors des contrôles effectués dans le train.”
Article lié au Dossier 12162