Vladimír Vochoč décoré du titre de « Juste parmi les Nations »
David Vochoč et l'ambassadeur israélien, Gary Koren, photo: ČTK
« Il n’était pas un héros de guerre typique, mais plutôt un homme qui savait profiter, prendre du plaisir dans la vie. Il n’avait pas peur d’enfreindre les règles. Il s’est senti obligé d’agir », a déclaré David Vochoč, l’arrière neveu de l’ancien diplomate tchécoslovaque. Au palais Černín, siège du ministère des Affaires étrangères, où Vladimír Vochoč avait également travaillé avant la Deuxième Guerre mondiale, son arrière-neveu a reçu à sa place la médaille sur laquelle on peut lire : « Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier ».
Titulaire de la plus haute distinction honorifique israélienne, Vladimír Vochoč a ainsi rejoint la liste des 115 citoyens tchèques considérés comme des « Justes parmi les Nations » ; il y en près de 25 000 à travers le monde, distingués pour avoir pris des risques importants pour sauver des juifs en situation de grand danger.
Le diplomate, qui a assuré différents postes à travers toute l’Europe dans l’entre-deux-guerres, est nommé consul à Marseille en 1938. Il décide de rester dans la cité phocéenne malgré la débâcle française de juin 1940 et alors que le régime de Vichy, favorable à la collaboration avec les Allemands, est instauré dans la moitié sud du pays. Ce spécialiste du droit international, parfaitement francophone, continue de jouer son rôle de consul dans des circonstances quelque peu floues puisque de fait la Tchécoslovaquie a cessé d’exister : la région des Sudètes a été annexée par le Reich qui occupe le reste d’un pays désormais dénommé Protectorat de Bohême-Moravie, tandis que la Slovaquie est devenue un Etat satellite.
Parmi ses activités, il fournit des passeports à des personnes menacées par les Allemands afin qu’elles puissent s’enfuir, la plupart vers les Etats-Unis ou les Antilles françaises, via l’Espagne et le Portugal. Secrétaire de la Fédération des communautés juives, Tomáš Kraus explique :
« Il ne s’agissait pas seulement de réfugiés juifs. Il a fourni une aide en fait à tous les Tchécoslovaques avec la création d’une structure à cette fin. Son activité a duré presque une année, ce qui constitue une durée relativement importante au vue de la situation à cette époque dans le pays. Personnellement, je pense que sa motivation première était d’aider les Tchécoslovaques qui étaient menacés, qui fuyaient les nazis. Et il y avait de façon logique des juifs parmi eux. »
En collaboration avec Donald A. Lowrie, un Américain cadre de l’organisation YMCA, Vladimír Vochoč crée le Centre d’aide tchécoslovaque, dont l’objectif est de trouver un logement et de fournir une aide alimentaire à 600 soldats tchécoslovaques démobilisés en Provence. Il parvient à en évacuer plusieurs dizaines vers Casablanca.
Varian Fry, photo: US Holocaust Memorial Museum
C’est avec un autre Américain, Varian Fry, que s’organise le gros du travail d’évacuation de personnes menacées. Ce journaliste, âgé de 32 ans en 1940, est en mission à Marseille pour aider des intellectuels et des militants antifascistes, une activité qui lui vaudra plus tard de recevoir ce titre de « Juste parmi les nations ». Vladimír Vochoč accepte de délivrer des passeports à tout individu que lui recommande Varian Fry, lequel assure le financement de l’opération. Le jeune Américain aurait ainsi permis à plus de 2500 personnes de quitter la France, sans qu’il soit possible de déterminer le nombre exact de celles qui reçurent des papiers grâce à l’action de son complice tchécoslovaque. L’écrivain expressionniste Leonhard Frank ou encore l’historien Ernst Stein auraient bénéficié de ses services. Tomáš Kraus commente :
« En collaboration avec Varian Fry, Vladimír Vochoč a réussi à délivrer des passeports qui étaient pourtant quelque peu différents des passeports tchécoslovaques standards, mais qui n’en étaient pas moins valables. Il y a là réellement des histoires qui mériteraient d’être adaptées au cinéma. »
Vladimír Vochoč, photo: Archives nationales de Prague
Quelques épreuves attendent encore M. Vochoč. Arrêté par la police française en mars 1941, il est d’abord interné avant de parvenir à rejoindre le Portugal puis l’Angleterre où il effectue différentes tâches administratives. De retour dans sa chère Tchécoslovaquie natale, il est victime d’un procès politique dans les années 1950 et condamné à treize années d’enfermement. Après sept ans passés derrière les barreaux, Vladimír Vochoč est amnistié en 1960, puis sa condamnation est annulée quelques années plus tard. L’ancien consul à Marseille vit alors à Prague où il est mort en 1985, à l’âge de 91 ans.