Les Justes de Crouy
Jacques et Micheline Katz, enfants cachés (DR : BCFYV).
Les époux Gabriel et Germaine Cuvillier ainsi que leur fils Jean :
les trois Justes parmi les Nations de Crouy
Le 3 octobre, 200 personnes ont rejoint la Salle polyvalente de Crouy pour une cérémonie de reconnaissance de Justes parmi les Nations préparée et animée par Viviane Saül et Alain Habif, représentants du Comité Français pour Yad Vashem..
Gabriel Cuvillier, son épouse Germaine (née Duhauvel) et leur fils Jean Cuvillier ont été honorés à titre posthume pour avoir caché et épargné de la Shoah Jacques Katz ainsi que sa soeur Micheline.
Le représentant de l’Ambassade d’Israël à Paris, Michel Harel, remit la médaille et le diplôme de Justes au petit-fils et fils des trois héros non d’un jour mais pour… toujours.
Gabriel Cuvillier et son fils Jean, Justes parmi les Nations (DR : BCFYV).
Synthèse du dossier Yad Vashem :
– « Henri Katz et Rachel Wilensky, d’origine Russo-Polonaise, se marient à Paris. Ils exploitent un commerce de beurre et de fromages, 3 rue de la Tour d’Auvergne à Crouy (Aisne). Ils auront deux enfants : Micheline, née en 1933 et Jacques, né en 1939.
A la déclaration de guerre, Henri est mobilisé. Il sera fait prisonnier près de Sedan. Interné à Hambourg, il parviendra à donner de ses nouvelles à son épouse et à sa mère restées à Crouy avec les deux enfants.
Début 1943, Rachel échappe à une arrestation. Elle décide de se rendre à Tergnier (Aisne) où réside la mère de son mari, Rosalie Katz. Micheline et Jacques sont confiés à leur grand-mère.
Le 2 janvier 1944, Rachel est internée à la prison de Laon (Aisne). Le 2 mai intervient son transfert à Drancy. Le 5 mai, un convoi emmène Rachel vers Bergen-Belsen.
Mais le 19 janvier 1944, à Crouy, c’est au tour de Rosalie Katz ainsi que de ses petits-enfants Micheline et Jacques de tomber aux mains des Allemands. Tous trois sont poussés vers un camion. Incroyable mais vrai, un officier se tourne alors vers les témoins de cette arrestation et demande :
« Si quelqu’un veut s’occuper de ces enfants, je ne les emmène pas ! »
Germaine Cuvillier-Duhauvel, Juste parmi les Nations (DR : BCFYV).
– « Parmi les habitants de Crouy qui assistent à cette scène, une personne a la présence d’esprit d’avertir Germaine Cuvillier. Celle-ci était employée par la famille Katz avant guerre. Elle accourt immédiatement. Sans poser de question, elle emmène les enfants chez elle.
Germaine Cuvillier, son mari Gabriel et leur fils Jean ont caché et protégé Micheline et Jacques jusqu’à la libération.
Rachel est revenue de Bergen-Belsen fin avril 1945 pour retrouver ses enfants resplendissants. Hélas, Rosalie Katz est décédée en déportation.
Rachel, Micheline et Jacques n’ont jamais oublié leurs bienfaiteurs. »
Extraits du discours du Maire de Crouy :
De G. à Dr. : Daniel Moitié, Maire de Crouy, Viviane Saül et Alain Habif, Délégués du Comité Français pour Yad Vashem (DR).
– « Cette cérémonie est un hommage rendu à la famille CUVILLIER pour un acte courageux permettant à 2 enfants d’échapper à la déportation il y a de cela 66 ans. Rien n’est oublié, le temps n’a rien effacé, ni la barbarie nazie et la complicité de l’Etat Français, ni la Résistance à l’occupant, ni les actes généreux et discrets comme celui de la famille CUVILLIER. Ce qu’ont fait M. et Mme CUVILLIER pour ces 2 enfants est exceptionnel…
Quand, le 19 janvier 1944, Micheline, Jacques et leur grand-mère Rosalie sont arrêtés, cette dernière sait ce qui l’attend. A cette date, tout le monde sait que l’arrestation est suivie de la déportation, sans retour. Ce qu’on ignore, c’est la méthode utilisée pour vous faire mourir. C’est pourquoi la grand-mère Rosalie veut se jeter par la fenêtre du 1er étage et c’est Micheline qui l’en empêchera. Plutôt se tuer que d’être arrêtée, Rosalie ne reviendra pas.
C’est terrible et cette crainte de l’arrestation est présente chez de nombreux Juifs en cette année 1944.
Madame Germaine CUVILLIER qui est femme de ménage chez les KATZ, chez les LEVEQUE, le buraliste, et chez les NOUVIAN, le boucher, ne se pose pas de questions. Dès qu’elle est prévenue, elle trouve le moyen de se déplacer pour recueillir Micheline et Jacques qui seront traités comme ses propres enfants. C’est un geste simple et évident pour le couple CUVILLIER, mais ce geste n’est pas sans danger, à la merci d’une dénonciation. Et puis, les soldats allemands sont nombreux à CROUY. Ils occupent des maisons réquisitionnées – 14, me précise Jacques KATZ…
Madame CUVILLIER se rendant à TERGNIER pour recueillir Micheline et Jacques qui attendent sur le trottoir, anxieux et dont le seul espoir est de la voir arriver. Madame CUVILLIER sait tout cela. Qu’importent les difficultés d’approvisionnement avec la carte de rationnement, qu’importe le risque d’être dénoncée, Madame CUVILLIER fait ce qu’elle estime, son devoir. C’est normal. Et le Maréchal peut bien sortir ses lois antisémites, les Allemands et la Milice procéder à des arrestations. C’est cela qui est anormal.
Aujourd’hui, la Médaille des Justes va être remise, à titre posthume, au petit-fils de Monsieur et Madame CUVILLIER. C’est un grand honneur et je suis heureux, en qualité de Maire de CROUY, de partager cet honneur qui rejaillit sur tous les Crouyssiens.
Nous sommes fiers de ce qu’ont fait Monsieur et Madame CUVILLIER pour les enfants KATZ.
Je remercie Madame SAUL et Monsieur HABIF, délégués du Comité Français pour YAD-VASHEM qui ont orchestré cette cérémonie.
Je remercie également son Excellence Michel HAREL représentant l’Ambassade d’ISRAEL en France dont la présence honore notre village. »
Discours de Jean François Cuvillier :
– « Je suis très touché de recevoir la médaille des Justes parmi les Nations témoignant de l’acte d’humanité de mes grands-parents Germaine et Gabriel Cuvillier et de mon père Jean.
Comme l’a témoigné ma mère:
« C’étaient des gens simples, vrais, merveilleux de bonté et de générosité. »
Ils ont caché, protégé, prodigué beaucoup d’amour à Jacques et Micheline, les considérant comme leurs enfants.
Cette journée leur rend hommage.
Au nom de maman, de mes frères et sœurs, je suis fier de porter cette mémoire témoin d’humanité.
Quelles que soient nos différences, tout homme, toute femme a sa place et doit être respecté en tant que tel. Tout ce qui va à l’encontre de cela est une atteinte à la dignité de l’être humain.
Que cette cérémonie soit le témoin de la puissance de la vie. »
De G. à Dr. : Viviane Saül, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem; Michel Harel, représentant de l’Ambassade d’Israël; Jean François Cuvillier recevant le diplôme et la médaille de ses grands parents et de son père (DR).
Article lié au Dossier 11620