L’Axonais Charles Létoffé reconnu comme un Juste
Du 27/11/2017
Grâce à son rôle de policier, Charles Létoffé a pu sauver deux couples et une famille avec cinq enfants, de la barbarie nazie.
Ce dimanche 10 décembre, Bernard Létoffé recevra, pour son père, Charles Létoffé, la médaille et le diplôme décerné aux Justes parmi les nations. Une distinction pour ce Soissonnais qui a sauvé des juifs de la barbarie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le dimanche 10 décembre à 11 heures, Daniel Saada, ministre et directeur du service économique et scientifique auprès de l’ambassade d’Israël, remettra à Bernard Létoffé, pour son père, Charles Létoffé, la médaille et le diplôme décerné aux Justes parmi les nations. Cette distinction honore les personnes qui ont sauvé des juifs de la barbarie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Charles Létoffé, policier de son état basé à Soissons, était de ceux-là.
Ce patriote, qui avait combattu durant la Première Guerre mondiale, n’avait déjà pas beaucoup d’amitié pour les Allemands. Il ne comptait donc pas les aider à déporter les juifs. Fils de garde champêtre, il devint policier municipal à Soissons, puis membre de la police d’État le 27 mars 1940. Très protocolaire, l’appareil nazi communiquait les rafles à la préfecture qui répercutait l’information à la sous-préfecture, puis au commissariat. « Mon père était donc au courant des arrestations qui devaient avoir lieu », explique Bernard Létoffé. Il entra dans le réseau Libération Nord de la Résistance en 1942.
Tout au long de l’Occupation, et du fait de sa connaissance des arrestations en préparation à l’encontre des juifs de Soissons (français ou étrangers), il réussit à sauver plusieurs d’entre eux. C’est lui qui avertit Charles Knoll, primeur de Soissons, de l’imminence d’une arrestation en juillet 1942. Celui-ci parvint à s’enfuir avec sa femme Hélène Knoll, leurs cinq enfants et leur nourrice (qui n’était pas juive) juste à temps. Ils se cachèrent en banlieue parisienne dans un magasin désaffecté de Boulogne-Billancourt.
Il mit même la sécurité de sa famille en jeu en cachant, dans son pavillon du 36, rue du Paradis, Pinches et Handler Glas. « J’avais 6 ans quand nous avons reçu le couple Glas, se souvient Bernard Létoffé. Mon père cherchait une filière pour les faire passer en zone libre. Pendant ce temps-là, on les gardait dans une chambre d’amis dont les volets étaient toujours fermés. Il ne pouvait pas descendre au rez-de-chaussée car il y avait une grande baie vitrée et on aurait pu les voir. Ma mère leur montait la nourriture et un pot de chambre pour faire leurs besoins. Je dormais dans la pièce d’à-côté et évidemment je ne devais pas parler d’eux quand je sortais. » Le couple fini par rejoindre la zone libre et survivre à la guerre.
Charles Létoffé aida aussi le couple Otchakowski. Noussen et Lisa Otchakowski avaient été arrêtés fin juillet 1944 et envoyés à Drancy le 2 août. Le policier parvint à transmettre des papiers qui leur permirent d’échapper à la déportation. Grâce à son poste, le fonctionnaire avait alors accès à divers documents. « Il pouvait sûrement fournir des faux papiers », commente son fils. Malheureusement, le Soissonnais n’est pas parvenu à sauver plus de monde. « Je pense qu’il a averti d’autres gens du danger, mais ils ne l’ont pas cru », suppose Bernard Létoffé, qui est persuadé par exemple, que son père avait parlé aux Cahen : « Ils ont dû lui répondre que ce n’était pas possible, qu’ils étaient Français, qu’ils ne risquaient rien. » Toutes ces histoires, Bernard Létoffé n’en a jamais vraiment rien su du vivant de son père : « Mon père n’en parlait pas, il ne s’en faisait pas une gloriole. La seule chose que je l’ai entendu dire, c’est qu’il ne comprenait pas que Johnny Hallyday ait reçu la Légion d’honneur, alors que des gens comme lui n’avait pas eu ce privilège. »
Hervé Marti
Article lié au Dossier 13348