Les Justes à Erquinghem-Lys
Les Médaille et Diplôme de Juste parmi les Nations au nom de Charlotte Olinger ont été confiés au Musée de la cité d’Ercan à Erquinghem-Lys
De superbes photos de cette cérémonie sont consultables en cliquant : ICI , le site internet du musée « d’Erquinghem-Lys et son histoire » .
En effet, la sensibilité particulière de cette ville du Nord vis-à-vis de la persécution des juifs victimes de la Shoah mais encore des figures exceptionnelles des Justes, a été mise à l’honneur lors de la cérémonie qui s’est tenue ce 12 novembre 2008 à l’Hôtel de Ville de Paris.
Parmi les 10 nouveaux Justes parmi les Nations dont les figures étaient alors saluées, figurait Charlotte Olinger , décédée sans ayant droit. Or le Comité Français pour Yad Vashem avait été plus que favorablement impressionné par les initiatives prises à Erquinghem-Lys en mémoire des juifs et des Justes. De cause à effet…
La Voix du Nord :
– « Mme Olinger…sans descendance. A la demande des frères Saül, la médaille des Justes parmi les Nations a été remise au musée d’Ercan. Viviane Saül, la femme de Gilles-Michel , bénévole pour Yad Vashem , connaît de longue date Jack Thorpe, président du Musée d’Ercan, et son acharnement à accomplir le travail de mémoire.
« Une avenue d’Erquinghem-Lys porte le nom d’Anne Frank et de deux de ses Justes, l’abbé Vancourre et sa cousine Raymonde Lombart, y ont été honorés », a-t-elle ajouté tandis que Jack Thorpe, dont on sait qu’il installera la médaille en bonne place, remerciait non sans émotion :
« Le musée reçoit ici une distinction suprême. »
Publiée en 2006, une brochure de 46 pages illustre sobrement mais de manière très convaincante, ce travail de mémoire mené à long terme à Erquinghem-Lys :
Cette brochure fut éditée à l’occasion de deux manifestations complémentaires :
– l’inauguration de l’avenue Anne Frank, le 14 mai 2006
et
– l’exposition « des Juifs et des Justes » proposée par l’Association « Erquinghem-Lys et son histoire » du 14 mai au 30 juillet 2006 au Musée de la Cité d’Ercan.
6 pages illustrent la destinée d’Anne Frank et des siens, afin que les habitants de l’avenue du lotissement des Acquêts relaient, à leur manière, le souvenir d’une adolescente qui eut le temps et la force de témoigner avant que la Shoah ne l’emporte. Il n’y aura jamais trop de lieux publics gardant et perpétuant son nom qui symbolise toutes les jeunes vies que l’antisémitisme a réduites en cendres dans les camps d’extermination.
Extrait de la brochure : l'avenue Anne Frank. DR.
La même brochure éclaire ensuite sur les personnalités du chanoine Vancourt (1902-1978) et de sa cousine, Raymonde Lombart (1921-1978). Tous deux natifs d’Erquinghem-Lys, ils ont été reconnus Justes parmi les Nations en 1975 déjà.
Raymonde Lombart avait travaillé en usine une année avant que son cousin ne l’encourage à reprendre ses études. Elle décrocha une licence en philosophie à l’Ecole Normale catholique de Loos et entama une carrière de professeur qui se prolongea quatre décennies. A la philosophie, elle joignit des cours de sciences naturelles, tout en se consacrant également au syndicalisme au sein de la CFTC.
Durant la guerre, l’abbé Vancourt et elle n’hésitèrent pas à prendre les plus grands risques non seulement en abritant un futur ministre comme Jean Lecanuet (6), recherché intensivement par la Gestapo, mais aussi des juifs tentant d’échapper à la Shoah.
Témoignage d’Irène Poll :
– « Où fallait-il me cacher ? Je suis retournée à Lille au milieu de la nuit, on m’a cherchée à la gare… On a marché en silence à travers Lille, nuit noire, sans lune… On a sonné, la porte s’est ouverte et refermée derrière nous, une lumière dans le couloir. Je suis face à un prêtre en soutane, Mr l’abbé Raymond Vancourt, et une jeune fille, à peu près de mon âge, Mademoiselle Raymonde Lombart, sa cousine.
En échange de mon étoile et de ma vraie carte d’identité, ils ont obtenu de faux papiers, avec un faux nom, et une fausse date de naissance, et des coupons de ravitaillement. Je me sentais sauvée…
On écoutait la BBC… Les Juifs continuaient à être déportés, on en parlait pas, mais de temps en temps, des Juifs, jeunes filles, et d’autres personnes venaient dans la maison pour quelques jours ou seulement une nuit.
Un jour, ma tante Erlich avec ses deux enfants, Claude et Eliane, arrivent à la maison accompagnés par Mr l’Abbé. Raymonde est allée chercher oncle Charles en faisant un grand détour autour de la ville. Il fallait les cacher. Le lendemain, les Nazis sont allés les chercher dans leur maison pour les déporter… Mr l’Abbé et Raymonde les ont sauvés d’une mort certaine !
Beaucoup plus tard, on m’a dit que Raymonde était allée à la gare de Lille pour recevoir des enfants juifs dont les parents avaient été déportés de Paris. Ces enfants furent ensuite cachés par des familles, en ville ou à la campagne, chez des fermiers ou dans des écoles privées… Et tout cela s’est passé pendant que nous étions cachés dans la maison {rue de la Bassée à Lille} »
Raymonde Lombart donnant cours en 1979. Photo : Brochure. DR.
Extraits du discours du chanoine Vancourt le 17 juin 1975 à Jérusalem, en son nom et en celui de sa cousine :
– « Ce fut un grand honneur pour nous d’avoir été appelés par la Providence à communier, pour une part certes modeste, aux immenses épreuves qu’a connues le peuple juif pendant la dernière guerre mondiale. J’ai toujours considéré, durant ma vie d’homme et de prêtre, qu’un des aspects de mes fonctions était de travailler à diminuer les souffrances des gens que je rencontrais, de leur rendre, dans la mesure du possible, un peu de confiance et de joie. Aussi, quand les circonstances mirent sur notre chemin, à Mlle Lombart et à moi, Mme Diament, Juive allemande en quête de refuge, puis la famille de son oncle et, enfin, une cohorte d’enfants juifs promis au four crématoire, nous ne pouvions avoir, nous n’eûmes pas l’ombre d’une hésitation…
Aujourd’hui, vous voulez nous remercier du peu que nous avons pu faire. De cette délicatesse, nous vous savons gré… Mais je le répète en toute sincérité et du plus intime de mon coeur : l’honneur que nous recevons de votre part aujourd’hui et auquel nous sommes sensibles, ne fait à nos yeux que traduire le très grand honneur qui nous a été imparti de pouvoir redonner un peu de sécurité et de joie à des frères qu’accablait le malheur. »
Professeur aux Facultés catholiques de Lille, le chanoine Vancourt plante un caroubier au Mémorial Yad Vashem de Jérusalem. Photo de la brochure . DR
Article lié au Dossier 10653