Les Justes qui risquèrent leur vie pour les Blusztajn, Gans et Hepner
Mairie du 18e à Paris (DR).
Les Grandjean, Piel-Bodin et Toussaint, Justes parmi les Nations
Le 8 juin 2010, une nombreuse assistance avait rejoint la Mairie du 18e arrondissement de Paris pour partager les émotions d’une cérémonie de reconnaissance de Justes. Le Maire, Daniel Vaillant, avait tenu à vivre lui aussi ce moment exceptionnel, de même que son Adjointe, Mme Lassure. L’Ambassade d’Israël en France était représentée par Laurent Mestre, Attaché chargé de remettre les diplômes et médailles aux descendants des Justes parmi les Nations ainsi honorés.
Cette cérémonie avait été organisée par Nicole Caminade et Viviane Lumbroso, Déléguées du Comité Français pour Yad Vashem.
Synthèse du dossier Yad Vashem de Pierre et Julia Toussaint :
– « Voici l’histoire de Pierre et Julia Toussaint, « Justes parmi les Nations », qui n’hésitèrent pas à se mettre en péril pour accueillir, cacher et sauver la petite Monique Blusztan et sa mère.
D’origine polonaise, les parents Blusztajn vivent à Paris avec leur fille unique Monique, née en 1929. Ils quittent la capitale lors de l’Exode de juin 1940. Après la défaite et l’avènement de Vichy, ils parviennent en Zone dite « Libre ». Ils s’installent sommairement à Brive-la-Gaillarde. Le père gagne leur vie en travaillant comme tailleur. Dénoncé par un Milicien, il est arrêté en février 1943 et sera déporté.
A la recherche d’un minimum de ravitaillement, la maman se rend sur le marché et y fait la connaissance de Julia Toussaint, venue vendre les produits de sa ferme.
Emue par la détresse de Mme Blusztajn, cette femme au grand cœur va, non seulement lui donner des vivres, mais aussi la convier à venir avec Monique dans la ferme familiale. Celle-ci se trouve dans le petit village de Druliol situé au-dessus de Brive. La fermière y vivait avec son mari Pierre, leur fille Marinette du même âge que Monique, ainsi que deux pupilles de l’Assistance Publique, Jeannine et Raymond.
La petite-fille des Toussaint a tenu à rappeler l’anecdote suivante : après un épisode tragique au village voisin d’Espagnagol – où des hommes furent fusillés et pendus – le maire de Druliol vint à la ferme pour demander le renvoi des deux réfugiées et Pierre Toussaint lui répondit :
« Cette petite a l’âge de ma fille …. Il n’en est pas question ! »
En dépit des pressions que le maire exerça, disant que cette action menaçait le village de représailles, Pierre ne céda pas !
Par leur courage tranquille, Pierre et Julia Toussaint ont dit non à l’horreur et à la barbarie qui sévissaient alors particulièrement en Corrèze.
Après la guerre, Monique est partie vivre à Richmond aux USA mais des liens affectueux ont toujours été conservés entre les deux familles. »
Famille Piel-Bodin, dossier Yad Vashem :
– « Le 9 Août 1942, dans le but d’être mis à l’abri en Suisse, deux jeunes adolescents de 14 et 15 ans, Branca et Lewis Gans, quittent Amsterdam avec des passeurs flamands. Leur succède un passeur français à Pontarlier mais celui-ci s’enfuit à l’approche d’une patrouille allemande…
Arrêtés en dépit de leurs faux papiers, les Gans sont jetés en prison à Besançon où ils subissent interrogatoires et même torture pour Lewis. Leur calvaire dure quelques jours, avant leur placement en maison religieuse. Les nazis y venaient tous les jours compter les enfants, dont un certain nombre étaient juifs.
De Besançon, ils sont ensuite transférés à l’Orphelinat Rothschild de Paris, rue Lamblardie dans le 12e. Lewis suit des cours dans une école professionnelle. Branca, quant à elle, est accueillie durant quelques mois par une famille juive, les Gerson.
Le jour où Lewis apprend leur arrestation imminente, Mme Gerson envoie le garçon à Parigny (en Normandie) tandis que Branca est évacuée à Neuilly.
Pour se rapprocher de son frère, Branca part travailler dans une ferme, à Milly. Elle y reçoit les visites de la Présidente de la Croix-Rouge de Normandie.
Souffrant d’un pied, Branca est conduite à l’Hôpital de St-Hilaire du Harcouët. Là, elle est alors mise en contact avec la famille Piel laquelle décide de la prendre en charge.
L’accueil réservé à la jeune fille est très chaleureux. Elle est traitée comme l’enfant de la maison et reçoit des leçons de français et de piano. Les Piel, cette famille admirable va prendre soin d’elle avec affection jusqu’à la Libération et des liens étroits perdurent encore.
De retour en Hollande, les deux jeunes gens ont retrouvé leur mère, rescapée de Dachau et d’Auschwitz mais leur père y décéda deux semaines avant la libération du camp. Lewis est mort l’an passé.
Les deux familles Piel et Bodin sont unies par des mariages. »
Dossier Yad Vashem pour Gaston et Frédérique Grandjean :
– « Ayant dû quitter leur Pologne natale au début des années 30, Moszek et Feiga Hepner, les parents de Sarah vinrent s’installer à Paris dans le 11ème Ar.
Le père était tailleur, la maman couturière mais aucun des deux ne travaillait à domicile.
Quant à Sarah, elle entama une formation au secrétariat, études interrompues en 1942 du fait des lois raciales. Elle fut aussi astreinte au port de l’étoile jaune, ainsi que le reste de sa communauté.
En juillet 1942, prévenus de l’imminence d’une grande rafle, les parents acceptent la proposition d’hébergement de leur finisseuse, Aline Pierre. Ils connaissent celle-ci depuis six ans et avaient totale confiance en elle.
La famille Hepner va rester cachée chez cette femme méritante durant une année.
En juillet 1943, c’est encore Aline Pierre qui loue à son nom une pièce au 45 rue de Montreuil, où la famille va vivre tant bien que mal. Cet immeuble, où se trouve leur appartement d’avant guerre, compte 8 escaliers, 70 appartement et ateliers. Ils retrouvent alors d’anciens proches voisins, Gaston et Frédérique Grandjean qui sont d’ailleurs à peu près les seuls à connaître la présence des Hepner dans l’immeuble.
En février 1944, Moszek Hepner ressent de violentes douleurs à la tête. Les Grandjean font venir un médecin qui prescrit l’hospitalisation immédiate. Pour éviter la découverte de Feiga et de Sarah, les Grandjean transportent le malade chez eux jusqu’à l’arrivée de l’ambulance de l’Hôpital Rothschild. Ils iront y visiter le malade chaque jour. Hélas, frappé d’une méningite purulente, Moszek décède peu après.
Non seulement les Grandjean ont pris en charge l’inhumation mais ils ont continué à soutenir la veuve Feiga et l’orpheline Sarah.
Sans l’aide constante d’Aline Pierre et des Grandjean, les Hepner n’auraient pu survivre durant toute l’Occupation à Paris.
Durant de nombreuses années, des relations amicales étroites se sont poursuivies entre les deux familles.
Aline Pierre a également été reconnue « Juste parmi les Nations » mais, décédée sans ayant-droit, sa Médaille sera remise à un organisme approprié. »
NB : Cette page a été rédigée avec l’aide de Nicole Caminade, Déléguée du Comité Français.