Pierre Nicolini, Juste parmi les Nations
Mairie du 11e Arrondissement, place Léon Blum (Photo : V. Saül. DR).
Ce 12 février, six Médailles et Diplômes de Justes parmi les Nations (1) sont remis à la Salle des Fêtes de la Mairie du 11e à Paris.
Déléguées du Comité Français pour Yad Vashem, Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül ont préparé la première cérémonie de reconnaissance de Justes pour cette année 2009.
En présence de Patrick Bloche, Député-Maire du 11e Ar. et de Louis Grobart, Responsable du Département des Justes au Comité, Daniel Saada, Conseiller près l’Ambassade d’Israël en France honorera six nouveaux Justes dont un seul est encore en vie : Pierre Nicolini.
Voici la synthèse des raisons et circonstances qui ont conduit à attribuer la Médaille de Juste à Pierre Nicolini. Une histoire (forcément) authentique qui se déroule dans les Sudètes. Ou comment 1500 juives mises au travail forcé ont été sauvées par une petit groupe de Français ainsi qu’un industriel allemand :
– « Le récit qui va suivre est une immersion au cœur même de la barbarie nazie.
Cela se passait en Pologne en octobre 1944.
Les derniers survivants du ghetto de Lodz, où régnaient la faim, la maladie, et la misère, étaient transférés à Auschwitz.
Un groupe de jeunes filles, de 16 à 18 ans, fut envoyé à Abstadt dans les Sudètes, pour travailler à l’usine Messap, qui fabriquait des bombes à retardement. Leurs conditions de vie étaient inhumaines. Logées à même l’usine, affamées et maltraitées, elles se savaient condamnées à brève échéance dans ce camp de travail forcé.
Ruth Eldar est l’une des 1500 jeunes filles, qui subissaient ce traitement infernal, surveillées par des gardiennes SS dont la responsable était particulièrement cruelle. Elle se souvient que dans cette usine travaillaient également des prisonniers politiques français venus de Lorraine. Ceux-ci étaient logés avec leur famille à l’extérieur du camp et recevaient plus de nourriture, mais il leur était interdit de donner quoi que ce soit aux détenues juives.
Cette interdiction fut transgressée à maintes reprises. Ruth Eldar se souvient que Pierre Nicolini et 14 autres Lorrains glissaient une partie de leur maigre ration de pain dans les tiroirs des jeunes filles, risquant de féroces représailles.
Un jour, ce fut une même pluie de bonbons lancés par la fenêtre.
De plus, ils s’arrangeaient pour informer les jeunes filles de l’avance des troupes alliées. Ce soutien moral était aussi important que la nourriture.
Au mépris du danger, les prisonniers n’hésitaient pas à saboter les machines pour ralentir la production, prolongeant le temps nécessaire pour les réparer.
Survient la bataille de Stalingrad où les allemands sont battus. Enragés devant cet évènement, les SS décident en représailles de ne donner aucune nourriture durant 3 jours aux femmes détenues, qui tombent évanouies les unes après les autres devant leur machine. Elles sont alors traînées par terre et jetées dans un autre local.
Les prisonniers ne supportent pas ces atrocités. Risquant leur vie, ils se mettent en grève.
Les SS veulent les abattre, mais le chef de l’usine, qui n’est pas un nazi, leur démontre que si les ouvriers sont abattus, il ne reste plus qu’à fermer l’usine.
Finalement, ces héros obtiennent gain de cause. Les prisonnières sont nourries, et les hommes acceptent de reprendre le travail, après cette victoire extraordinaire.
Ruth et ses compagnes leur vouent une immense gratitude.
En mai 1945, l’arrivée des troupes soviétiques est imminente, mais les nazis continuent à sévir. Avant de s’enfuir, ils décident de faire sauter l’usine avec ces 1500 prisonnières. Ils verrouillent les portes et placent des cartouches de dynamite. C’est alors que les Français et le Directeur de l’usine, n’écoutant que leur courage, entreprennent de sauver les malheureuses.
Ils parviennent à découvrir et à éteindre les mèches enflammées par les SS, et à forcer les portes, libérant enfin les prisonnières.
Ruth et ses compagnes n’ont jamais oublié l’héroïsme de ces 15 Français et de Pierre Nicolini qui était l’âme de leur groupe, ainsi que cet industriel allemand au grand cœur. 1500 jeunes femmes leur doivent la vie.
Il a fallu 20 ans à Ruth Eldar pour retrouver par hasard Pierre Nicolini et lui rendre hommage ainsi qu’à ses compagnons. » (Photo V. Saül. DR).
NOTE:
(1) A titre posthume : Pierre et Alphonsine Batisse, Julien et Laure Houdusse, André Patrolin. Les histoires de ces nouveaux Justes seront retracées sur de prochaines pages de ce blog.
Article lié au Dossier 11323