Tout un symbole : trois Justes à Vichy
Une photo qui résume à elle seule la cérémonie de Vichy, avec présentation des portraits, des médailles et des diplômes des nouveaux Justes (Ph. Gilbert Karo / DR).
Henri et Henriette Julien
Jean-Pierre Toquant
Justes parmi les Nations
Ce 11 février, Claude Malhuret, Maire de Vichy, et Annie Karo, Déléguée du Comité Français pour Yad Vashem, invitaient dans les salons de l’Hôtel de Ville de Vichy pour une cérémonie exceptionnelle en ces lieux marqués par l’histoire de l’Etat dit Français.
Cette cérémonie était rehaussée par la présence de Michel Harel, Ministre aux affaires administratives près l’Ambassade d’Israël et par celle du Sous-Préfet.
A titre posthume, le couple « pédagogique » formé par Henri et par Henriette Julien était officiellement honoré de même que Jean-Pierre Toquant, hôtelier.
Unie par les souvenirs douloureux des jours de la Shoah mais aussi des actes de courage de celles et de ceux qui s’opposèrent à la persécution des juifs, une foule imposante avait tenu à entourer les ayant-droits des nouveaux Justes. Au premier rang du public, se détachaient aussi des « enfants » sauvés telles Flore Arama et Viviane Lévy…
A la tribune, Annie Karo, Déléguée du Comité Français pour Yad Vashem (Ph. Gilbert Karo / DR).
Synthèse du dossier Yad Vashem aux noms d’Henri et d’Henriette Julien :
– « En 1939, Henri et Henriette Julien sont instituteurs à l’école de la Treille dans la banlieue de Marseille.
Très impliqués politiquement, ils s’étaient engagés en 1936 en Espagne, aux cotés des Républicains.
Ils avaient recueilli et adopté un petit orphelin espagnol, Jacques.
Dès le début de l’Occupation, Henri et Henriette Julien s’impliquent dans le sauvetage d’enfants de résistants arrêtés ou de prisonniers politiques, et d’enfants juifs.
Ils sont les représentants de la Croix Rouge à Marseille, et en relation avec l’Organisation de Secours aux Enfants dont ils reçoivent de l’aide.
En 1942, ils sont détachés de leurs classes par l’Inspecteur d’Académie M Gossot, et emmènent, afin de les protéger, une cinquantaine d’enfants dans une ferme à Maussane dans les Alpilles.
Cette ferme est également une halte d’enfants juifs que l’on fait passer en Suisse.
En 1943, M Gossot fait mettre à la disposition des instituteurs une grande maison, au Mas Blanc, près de St Rémy de Provence où ils continuent de protéger et d’éduquer les enfants.
Ils sont une quinzaine de pensionnaires dont la moitié sont des enfants juifs.
Mais à l’automne 1944, le groupe est obligé de fuir et trouve refuge à Rovon au pied du Vercors. La vie reprend pour les jeunes pensionnaires qui sont rapidement rejoints par de nombreux autres enfants, fils ou filles de résistants de la région.
Tous leurs protégés seront sauvés et, après la guerre, les Julien continueront à s’occuper de maisons d’enfants. »
Henriette et Henri Julien, Justes parmi les Nations (Arch. fam. / DR).
– « Nous avons retrouvé le témoignage de 4 enfants juifs qui ont bénéficié de la protection d’Henri et Henriette Julien :
– celui de Flore Arama et de ses cousins Maurice et Denise, tous les 3 confiés aux Julien
après les grandes rafles de Marseille en Janvier 1943 et dont une grande partie de la famille sera déportée en Mars 1943.
Henri et Henriette Julien cacheront aussi Mathilde., la mère de Maurice et Denise Arama, Mathilde épaulera avec efficacité et dévouement les Julien pendant près de 3ans.
– et le témoignage de Jean Marguilès, que ses parents, juifs autrichiens et résistants, confient aux Julien en 1942.
Jean est alors âgé de 3 ans et il restera jusqu’à la fin de la guerre sous la protection d’Henri et Henriette Julien qui l’élèveront comme leur propre enfant. »
Assis, de g. à dr. : Mme Arama et son mari (Ph. Gilbert Karo / DR).
Synthèse du dossier Yad Vashem de Jean-Pierre Toquant :
– « Viviane Lévy est née à Vichy en 1924.
En 1939, elle y habite avec toute sa famille, rue Couturier.
Son grand père Paul exploite depuis 1905, avec ses 2 fils Roger et Marcel, un magasin de meubles, Place de la Poste.
Roger, le père de Viviane, est grand invalide de guerre, décoré de la Croix de Guerre avec Palmes, Chevalier de la Légion d’Honneur, et son frère Marcel ancien combattant 14-18.
En 1942, la famille Lévy est sommée de quitter le département de l’Allier dans les 48h en raison de leur qualité de «juif» tandis que leur magasin est réquisitionné par la police de Bousquet.
Les Lévy se rendent alors dans la Loire, au Coteau, petite ville près de Roanne, où ils s’adressent à Jean-Pierre Toquant, propriétaire de l’Hôtel du Centre.
En effet, les grands parents Lévy avaient connu les grands parents de Jean-Pierre Toquant, Blaise et Jeanne, pendant la 1ère guerre mondiale.
Les Lévy sont en possession de faux papiers sous le nom de Lemery, qui leur ont été fournis par leur cousine Liliane Klein avec l’aide d’un réseau de résistance de Grenoble. »
M Toquant juge préférable de ne pas déclarer la famille Lévy et met à leur disposition un appartement, provisoirement vacant.
Jean-Pierre Toquant héberge également dans son hôtel des résistants et des officiers venant de Londres.
Victime d’une dénonciation, il est arrêté par la Gestapo mais il a eu la présence d’esprit de passer le relais à une proche, Mme Longère, qui vient chercher au petit matin, les 6 membres de la famille Lévy et les cache dans 2 petites pièces au dessus de son garage où ils resteront jusqu’à la Libération.
Jean-Pierre Toquant, grâce l’intervention de son ami Albert Burnichon, est rapidement libéré et aussitôt il reprend le ravitaillement quotidien de la famille Lévy.
Durant ces mois de « traque » et de « cache » (comme les qualifie Viviane Lévy dans son témoignage) M Paul Lévy et sa sœur Julie décèdent, et, c’est grâce à l’aide et au courage de M Toquant qu’ils pourront être inhumés au Coteau, avant d’être transférés en 1945 dans le caveau familial à Paris.
Après la guerre, les Lévy reprendront leurs vies familiale et professionnelle à Vichy.. »
Liliane Klein et Viviane Lévy (Ph. Gilbert Karo / DR).
Fils des deux Justes, Jacques Julien reçoit leur diplôme et médaille des mains de Michel Harel, Ministre aux affaires administratives près l’Ambassade d’Israël (Ph. Gilbert Karo / DR).
Michel Harel, Ministre aux affaires administratives près l’Ambassade d’Israël, confie à René et à Michel Toquant le dîplôme et la médaille amplement mérités par leur père (Ph. Gilbert Karo / DR).
Article lié au Dossier 11338