Une double reconnaissance de Justes à Toulouse
Toulouse : une salle des Illustres comble (Doc. Albert Seifer / DR).
De nouveaux Justes qui ont pour noms :
Bertrand et Marie Pagnon
ainsi que leur fille Honorine Abribat
Vendredi 13 novembre, une assistance évaluée à plus de 200 personnes s’est réunie dans la salle des Illustres à Toulouse. Organisée par Albert Seifer, délégué du Comité Français pour Yad Vashem, une émouvante cérémonie a vu Mr Shmuel Sivan, Consul d’Israël à Marseille, remettre des médailles de Justes parmi les Nations, et ce à titre posthume.
Parmi les nombreuses personnalités présentes, se distinguaient :
-Mr Pierre Cohen, maire de Toulouse,
-Mr Arié Bensehmoun, président de l’ACIT,
-Mme Nicole Yardeni, présidente du CRIF Midi-Pyrénées.
La première médaille était attribuée à Honorine Abribat et à ses parents Bertrand et Marie Pagnon. Ils cachèrent chez eux, et successivement à Toulouse puis à Lagardelle sur Lèze :
– Mme Estelle Sarfatti,
– son fils Vital,
– et son neveu Josué Salvator Sarfati, tous deux âgés de 12 ans.
Ces trois persécutés raciaux ont ainsi d’échappé à une rafle d’avril 1944, celle-là même dont furent victimes Virginie et le petit Henri, 3 ans, la maman et le jeune frère de Salvator.
Albert Berkman, un autre neveu d’Estelle, sera lui aussi (mais brièvement) hébergé à Lagardelle.
En haut et de g. à dr. : le couple Bertand et Marie Pagnon. En bas : leur fille, Honorine Abribat. Tous trois Justes parmi les Nations (Doc. A. Seifer, mont. JEA / DR).
Synthèse du dossier de Yad Vashem :
– » Victor Vital Sarfatti est né le 28 Juillet 1932 à Toulouse. Il est décédé le 25 Juin 1993. C’est sa veuve, Viviane Sarfatti née Salama, qui a témoigné pour lui auprès de Yad Vahsem.
Parents de Vital, Estelle Sarfatti née Lévy, émigra de Turquie en 1923, tandis qu’Albert Sarfatti suivit le même itinéraire en 1924. Ils se marient en 1929.
Mme Estelle Lévy vend des bérets sur les marchés, comme ses frères. Mr Albert Sarfatti est ouvrier-miroitier. Il fait son service militaire en 1937 et obtient la nationalité française. Mobilisé en septembre 1939, il est fait prisonnier à Dunkerque puis interné à Dortmund ( Allemagne ).
-Estelle Sarfatti s’est fait une amie à la Croix-Rouge, Honorine Abribat dont le mari est également prisonnier…
Le 24 Avril 1944, Mme Sarfatti échappe de peu à une arrestation. Hélas, sa belle–sœur Virginie n’a pas cette chance de même que son petit garçon de 3 ans, Henri.
Avec son fils Vital et son neveu Josué Salvator (14 ans), Estelle se précipite chez son amie Honorine Abribat au 46 bis rue Riquet à Toulouse. Il faut ajouter au drame que la mère et le petit frère de Josué Salvator, eux, sont aussi tombés aux mains des persécuteurs.
Les trois fugitifs passent la nuit tout habillés au grenier. Dès le lendemain, Honorine les emmène auprès de ses parents, Bertrand et Marie Pagnon qui habitent dans un petit village proche de Toulouse, à Lagardelle sur Lèze. »
Mme Estelle Sarfatti et son fils Vital (Doc. A. Seifer / DR).
– « Josué y restera quelques jours avant d’être caché ailleurs par son père. Un neveu d’Estelle, Albert Berkman, 5 ans, bénéficiera également d’un bref répit à Lagardelle avant de trouver un autre refuge. Quant à Honorine, elle-même quitte rapidement Toulouse pour Lagardelle avec ses deux filles Huguette,17 ans et Claude, 8 ans.
Les parents Pagnon étaient des agriculteurs retraités. Ils habitent une maison avec une dépendance sommairement aménagée où Vital et sa mère vivront jusqu’à la Libération… Ils partagent totalement la vie de la famille d’accueil. Les dangers sont pourtant grands : début avril 1944, une unité de la divisionDas Reich occupe Lagardelle sur Lèze et un capitaine loge chez les Pagnon. Estelle est présentée comme une amie, femme d’un prisonnier corse.
Après guerre, les deux familles ont gardé longtemps des liens très forts.
C’était le vœu de Vital Sarfatti d’obtenir une reconnaissance de Justes pour ses sauveurs. L’honneur de cette médaille englobera toute la famille : Honorine Abribat et ses parents Bertrand et Marie Pagnon. »
A l’avant-plan : Mme Huguette Abribat-Faure, fille d’Honorine Abribat ; Freddy Szpilfogiel et son épouse Paule (née Marceillac).
Au second plan : Mr Albert Seifer, délégué de Midi-Pyrénées du Comité Français pour Yad Vashem ; Mr Pierre Cohen, maire de Toulouse ; Mr Shmuel Sivan, Consul d’ Israël à Marseille (Doc. A. Seifer / DR).
La Juste Jeanne Marceillac
dont la fille Paule épousa
le persécuté qu’elles avaient caché…
Lors de cette cérémonie à Toulouse, la deuxième médaille de Juste parmi les Nations est revenue à Mme Jeanne Marceillac. Avec l’aide prépondérante de sa fille Paule, elle a caché et procuré des faux-papiers à Freddy Szpilfogiel après son évasion du camp de Noé. Cette évasion réussit grâce à la Résistance dont le jeune juif faisait partie.
Auparavant, Freddy avait été incarcéré à la prison St-Michel à Toulouse.
A maintes reprises, son cousin Charles Cynamon fut lui aussi abrité par Mme Jeanne Marceillac.
Peu après la guerre, Freddy épousa Paule, elle qui avait grandement contribué à son sauvetage.
L’histoire du sauvetage :
– « Nathan et Chana Cynamon, tous deux juifs polonais originaires de Radom, émigrèrent en France en 1932. Nathan avait été apprenti tailleur chez le père de Chana. Ils se marièrent le 1er avril 1933 et eurent un premier fils, Henri, le 9 septembre 1933. Malheureusement, le bébé mourut à 5 mois d’une méningite. Charles naquit le 5 janvier 1936 à Paris.
Avec la guerre, Nathan et Chana préférèrent s’installer à Toulouse. C’était au printemps 1941. Marcel naquit le 23 Août 1942.
Quelques mois après leur arrivée à Toulouse, un neveu de Chana, Achille Szpilfogiel ( dit « Freddy » dans la Résistance ) âgé de 18 ans, vint habiter sous le toit des Cynamon. En effet, toute la famille de « Freddy » avait été arrêtée lors de la rafle de juillet 1942. A Toulouse donc, ce garçon fit la connaissance d’une jeune fille de religion catholique, Paule Marceillac, dite « Paulette », avec laquelle il se lia d’amitié.
Les menaces se faisant de plus en plus pressantes, « Freddy » demanda à la jeune Toulousaine si elle accepterait de cacher son cousin, Charles Cynamon, 6 ans. Avec l’accord de sa mère Jeanne Marceillac et avec l’aide de sa sœur Ginette, Paule prit Charles dans sa famille. Cette protection fut activée à maintes reprises jusqu’à la fin 1943. »
Mme Jeanne Marceillac et sa fille Paule, la future Mme Szpilfogiel (Doc. A. Seifer / DR).
– « Au cours de l’été 1943, « Freddy » fut arrêté par la police de Vichy pour « port et usage de faux papiers ».
Il fut interné à la prison St-Michel puis au camp de Noé. Paule eut à coeur de lui rendre visite et de lui apporter des colis. Elle n’hésitait pas à parcourir 5 à 6 kms à pied pour parvenir au sinistre camp.
« Freddy » s’en évada le 29 décembre 1943, avec l’aide d’un réseau de résistance. Toujours fidèle, Paule organisa son repli. La police chercha en vain le fugitif…
Parmi les caches efficaces, figure l’église de la Daurade. A la synagogue de la rue Palaprat, Paule reçut pour « Freddy » une fausse carte d’identité au nom d’André Soudan. Le jeune homme était sain et sauf à la libération !
De plus, la famille Marceillac prit également des risques importants en acceptant d’héberger à de nombreuses reprises le petit Charles. Celui-ci écrit dans son témoignage que pour lui, pour ses parents, et pour Achille, si Paule était « leur plaque tournante », tout le reste de la famille Marceillac était totalement au courant et également méritante.
En 1945, la famille Cynamon réintégra son appartement parisien.
Puis en 1946, Paule et Achille se marièrent. Ils eurent une fille Chantal, née le 15 Juillet 1958. »
Freddy Szpilfogiel, la petite Chantal, Paule née Marceillac (Doc. A. Seifer).
Article lié au Dossier 11228