Dossier n°10239 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Georges Lauret

Année de nomination : 2004
Date de naissance : 20/06/1904
Date de décès : 07/07/1996
Profession : Médecin chirurgien
    Localisation Ville : Rouen (76100)
    Département : Seine-Maritime
    Région : Normandie

    L'histoire

    Le Professeur Georges Lauret, médecin, dirigeait le service de gynécologie de l’hôpital de Rouen (Seine-Maritime). Le 19 janvier 1943, il fut alerté au chevet d’une malade, Linda Ganon, qu’une ambulance de la Croix Rouge venait juste de ramener du commissariat de police, accompagnée de ses deux filles de 11 et 12 ans. Elle avait résolument refusé de se faire examiner par des subalternes et ne voulait parler qu’au chef de service. Le Prof. Lauret ausculta la malade qui le mit au courant de sa situation. Juive, originaire de Turquie, son mari avait été arrêté le 6 mai 1942 et déporté «vers une destination inconnue». Durant la nuit de son hospitalisation, des policiers s’étaient présentés à son domicile pour les arrêter. Elle s’était alors alitée et avait simulé une fausse couche, refusant de bouger. A 2 heures du matin, Linda accepta finalement de se rendre au commissariat, s’arrêtant à chaque pas pour faire croire à des douleurs intenses et gagner du temps. Le commissaire de police, embarrassé par la situation alors que les autres Juifs arrêtés dans la nuit étaient déjà partis, fit appeler une ambulance pour évacuer la malade et ses deux filles. Linda avoua alors au Prof. Lauret qu’elle était en parfaite santé mais qu’elle voulait sauver ses filles et elle-même. Il la rassura et les fit hospitaliser. Il diagnostiqua pour la mère une maladie indécelable et établit au pied de son lit une feuille de température montrant une courbe inquiétante correspondant à une infection aiguë. Il fit admettre les deux fillettes au service des contagieux. Quelques semaines plus tard, un médecin allemand vint vérifier l’état des patients. Le Prof. Lauret tint tête à son confrère qui alla jusqu’à interroger les religieuses infirmières pour avoir confirmation de son diagnostic. Elles couvrirent leur patron en déclarant que les enfants étaient en effet anémiées avec de nombreux ganglions enflammés et la mère un cas médical extraordinaire sujette à des traitements « expérimentaux ». Le Prof. Lauret prit des risques sérieux, sous le nez des Allemands et du personnel qui comptait aussi des collaborateurs. Linda et ses filles quittèrent l’hôpital à la Libération. Le courage et la détermination insolente du professeur Lauret les avaient sauvées.

    Le 13 avril 2004, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Georges Lauret, le titre de Juste parmi les Nations.

    Le témoignage

    Raphaül et Linda Ganon, venus d’Izmir, en Turquie, se marient en France en 1930. Leurs filles, Pauline et Gaby naissent en 1931 et 1932. La famille exploite un commerce de bonneterie et vit heureuse à Rouen .

    Le 6 mai 1942, le père, Raphaül Ganon, est arrêté, conduit à Drancy, puis déporté sans retour à Auschwitz en septembre.

    Le 19 janvier 1943, deux policiers, l’un en civil, connu de la famille, l’autre en uniforme, viennent arrêter Linda Ganon et ses deux filles.

    Devant le terrible danger, Madame Ganon invente un stratagème, se déclare malade, prétend qu’il s’agit d’une fausse-couche et qu’elle ne peut marcher. Les policiers les obligent à les suivre. Il est 2 heures du matin, le trajet dure plus d’une heure, car la malade n’avance pas. En arrivant au commissariat, elles voient partir d’autres familles juives arrêtées. Le commissaire leur confisque alors argent, bijoux, clefs et dresse un procès-verbal. Embarrassé, il fait appel à la Croix-Rouge, qui conduit la mère et les deux enfants à l’hôpital.

    Madame Ganon refuse de se laisser examiner par les internes et demande en pleurant le médecin-chef. C’est alors que le Professeur Lauret se rend à son chevet et lui demande des explications. En larmes, elle lui avoue sa situation et celle de ses enfants qu’elle a cherché à sauver.

    Sans la moindre hésitation, ce grand patron les prend sous sa protection . Il rassure Madame Ganon, l’hospitalise dans son service, lui invente une maladie indécelable et lui recommande de rester au lit. Ses filles sont placées dans un service pour enfants avec la complicité des religieuses infirmières.

    Au médecin allemand venu contrôler la situation, il répond que la mère souffre d’une grave infection avec des poussées de fièvre et que les enfants présentent des ganglions et une importante anémie.

    Le Professeur Lauret, mettant ainsi sa propre vie en péril, tient tête à son confrère, qui ne semble pas dupe et promet de revenir. Prenant d’énormes risques, il a agi uniquement par bonté et par humanité. Madame Ganon et ses deux filles sont restées hébergées dans cet  hôpital jusqu’à la libération de Rouen en juin 1944. Après la guerre, elles sont revenues témoigner leur reconnaissance aux religieuses qui les avaient secourues et au Docteur Lauret, mais lui n’était plus dans cet hôpital. Monsieur le Professeur Georges Lauret est aujourd’hui décédé. C’est son fils, le Docteur Philippe Lauret, qui recevra en son nom la Médaille des Justes.

    Documents annexes

    Les Miraculées
    Invitation cérémonie LauretInvitation cérémonie Lauret

    Articles annexes