Dossier n°11295D - Juste(s)

Consulter le dossier de Jérusalem (en anglais)


Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Année de nomination : 2008

Jean Ripoche

Année de nomination : 2008
Date de naissance : 06/07/1902
Date de décès : 15/07/1984
Profession : Forestier
    Localisation Ville : Rilhac Xaintrie (19220)
    Département : Corrèze
    Région : Nouvelle-Aquitaine

    L'histoire

    La famille Sajovic d’origine tchèque, réfugiée à Strasbourg, est repliée d’Alsace en Périgord.
    Elle sera aidée par 12 Justes :
    Paulette Granger Claude, employée de mairie a fourni des cartes d’identité aux persécutés. Elle aide ou cache beaucoup d’autres Juifs. Elle se souvient : « J’ai commencé à fournir des papiers d’identité. Il n’aurait pas fallu se faire pincer. Une fois, mitraillette dans le dos, j’ai dû faire visiter ma maison…« . Elle ajoute, « J’avais 20 ans, comme Marcel Sajovic pas beaucoup plus« . 
    Léontine et Louis Chamon.
    Louise et François Doche.
    Jean Ripoche.
    Louise et Jean-Bernard Bissou et leur fille Hélène Bissou épouse Ségurel.
    Marcel, Joséphine et Joseph Dalesme.

    Michel et Berthe Sajovic arrivent de Tchécoslovaquie au début de l’année 1931 avec leurs deux enfants, Marcel, né en 1927 et Élie, né en 1930. Ils trouvent un appartement à Strasbourg, 65 Grande rue.
    La communauté juive de Strasbourg est estimée à 9 288 personnes en 1936.

    Michel Sajovic trouve un emploi de chef magasinier chez Hirschfeld Frères à Strasbourg, dans une usine de ferblanterie pour la fabrication de boîtes de conserves. 
    En février 1933 naît Blanche, puis en 1936, Esther, et en décembre 1938, Jeannette.

    Après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, le 1er septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939.
    520 000 français sont évacués des zones frontalières comprises entre la ligne Maginot et l’Allemagne.
    Le 2 septembre 1939, le gouvernement français fait évacuer de la ville 120 000 personnes.
    Les habitants du Bas-Rhin sont évacués vers la Dordogne, l’Indre et la Haute-Vienne.

    La communauté juive de Strasbourg se replie sur Périgueux et tente de s’organiser. Chacun pouvait emporter 30 kg de bagages à main et 4 jours de vivre.
    L’OASL (Œuvres d’Aide Sociale Israélites) sont créées à Périgueux en 1939 pour aider les nouveaux arrivant et agir dans les camps d’internement de la région.
    Le grand rabbin René Hirschler et le rabbin Victor Marx prennent en charge la vie spirituelle.
    Laure Weil et Fanny Schwab sont responsables des comités de bienfaisance et du service social à partir du 12 décembre 1939.
    M. Fuldheim est nommé directeur de la caisse centrale, de l’administration de la Bienfaisance et de la caisse des passants de Strasbourg.
    Lucien Cromback, issu d’une vieille famille alsacienne, est le premier président de la Communauté israélite de Périgueux, Strasbourg en Périgord.
    Il se mit au service de l’hébergement pour loger les réfugiés alsaciens, créer des écoles, agrandir des hôpitaux et réussit en l’espace de quelques jours à retrouver et à regrouper les dispersés.

    Les Sajovic arrivent à Périgueux. Munis de cartes de réfugiés, ils perçoivent des repas et un peu d’argent. Ils sont envoyés à Coulounieix-Chamiers où plusieurs habitations ont été réquisitionnées.
    Plusieurs familles arrivent dans ce village situé à 5 km de Périgueux. Les villageois qui n’avaient jamais vu un Juif, prennent les Alsaciens pour des Allemands, en raison de leur fort accent. Mais ils ne ressemblent pas aux Juifs décrits par la propagande de Vichy les accueillent bien.

    On attribue aux Sajovic une ferme-étable appartenant à Maurice et Marie Doursout au lieu-dit « Les Garéloux » aménagée en deux grandes pièces, une cuisine munie d’une grande cheminée et une chambre, donnant à l’arrière sur les prairies et les bois.
    Ils sont rejoints par Amélie Herskovic (Malka), la sœur de Berthe Sajovic.
    Amélie Herskovic épouse M. Rosenthal en 1942 à Coulounieix-Chamiers. Ils auront un fils Claude. La mère et son bébé seront par la suite hébergés par Louise et François Doche.

    Le maire est Léo Laroque. Marcel Dalesme est maire-adjoint et son frère, Joseph Dalesme, est secrétaire de mairie. Les frères Dalesme désapprouvent l’invasion des Allemands et réprouvent la persécution des personnes qui n’ont pour seul tort que d’être né juifs.

    Fernand Sajovic naît à la maternité de Périgueux en 1940. Hélène, la petite dernière, naîtra à Coulounieix-Chamiers en 1941, dans la grange dans laquelle ils habitent.

    Tous les shabbats, Michel Sajovic emmène ses fils, Marcel et Élie 
    Le 21 juin 1941, Michel Sajovic est arrêté et interné au 665e GTE (Groupement de Travailleurs Étrangers) de Soudeilles, en Corrèze.
    Ce camp, en rase campagne, a fonctionné de mi-juin 1941 à fin décembre 1942. 
    A partir d’août 1942, les autorités françaises y organisent des rafles à destination de Drancy.
    Les conditions de la vie au camp étant extrêmement pénibles, Michel Sajovic se porte volontaire pour travailler chez un forestier, Jean Ripoche*, à Rilhac-Xaintrie en Corrèze. Ceci lui a sûrement permis d’échapper à la déportation.

    Grâce aux voisins et à la mairie qui le préviennent, Jean Ripoche est en mesure de soustraire Michel Sajovic aux recherches de la Gestapo.

    La maman de Jean Ripoche, qui est une femme de cœur, veille sur ces pensionnaires forcés.

    En outre, Jean Ripoche obtient auprès de la mairie des autorisations permettant à Michel Sajovic d’aller voir sa famille.

    En octobre 1942, Jean Ripoche obtient des autorisations afin que Michel Sajovic puisse aller voir sa famille puis obtient son transfert au 647e GTE de Chancelade, près de Périgueux afin qu’il vienne travailler dans la ferme de Maurice Doursout à Coulounieix-Chamiers.

    A partir du 23 août 1942, les Juifs sont raflés en zone libre. Mme Sajovic confie ses enfants à des voisins. Sur les onze membres de la famille, deux seulement reviendront des camps.

    Lorsque la zone libre est occupée fin 1943, les Allemands viennent souvent à Coulounieix-Chamiers à la recherche des maquisards.
    Marcel Dalesme et Joseph Dalesme préviennent les Sajovic qui se cachent alors dans les bois alentours ou se réfugient chez des voisins ou chez les Dalesme.
    Ils se cachent aussi chez Jean-Bernard et Louise Bissou qui vivent avec leur fille Hélène.
    De même, ils sont accueillis chez François et Louise Doche et chez Louis et Léontine Chamon.

    Les habitants de Coulounieix-Chamiers protégeront d’autres juifs.
    Les frères Dalesme ont sauvé plusieurs autres juifs, dont la famille Chesinski, Monsieur Worm, qui habitait chez M. et Mme Gargaud au lieu-dit de Sarrailles à Coulounieix-Chamiers et Richard Guthman et son épouse qui sont cachés chez Teulet, le bar restaurant de la place de l’Église.

    Le 10 novembre 1944, Joseph Dalesme reçoit une lettre du CADJJ, Comité d’Actions et de Défense de la Jeunesse Juive de Lyon datée du 6 novembre 1944 emplie de gratitude :
    « Il nous a été cité par Maurice Lissek que vous, Monsieur Joseph Dalesme, secrétaire de la marie de Coulounieix (Dordogne) et Mademoiselle Granger Paulette, aide-secrétaire de la même mairie, ont aidé, sous la terreur de l’occupation nazie, à sauver de la mort et de la déportation des dizaines et des centaines de nos coreligionnaire et d’autres copains de la résistance.
    Au nom du Comité d’Actions et de Défense de la Jeunesse Juive (CADJJ) et toutes les personnes sauvées par vous, nous vous remercions de vos gestes et de votre courage qui aurait pu vous coûter la vie et espérons que des personnes comme vous l’êtes ne seront pas oubliées d’être citées à l’ordre de la Nation par des organisations plus compétentes que nous.
    Tout en vous remerciant, le CADJJ vous transmet sa meilleure reconnaissance et sa plus haute considération
    .
    Un autre de ses protégés, Richard Guthmann, a même couché Paulette Claude sur son testament.

    Après la guerre, les Sajovic ne rentrent pas en Alsace et vont s’installer à Périgueux. Ils vendent de la bonneterie sur les marchés avant de tenir un magasin d’alimentation à Périgueux.
    Les Sajovic seront naturalisés français en mai 1947.

    Les enfants se marient, les uns partent à Paris, Jeannette et Fernand partent vivre en Australie, et ils restent tous très proches de leurs sauveteurs.

    Lors de la remise de la médaille des Justes le 14 juin 2009, Jean-Marie Kenny, le directeur de cabinet du Préfet, résumait un sentiment général « c’est dans la France profonde qu’a été sauvé l’honneur de la France de Vichy dans une magnifique discours. S’adressant à Paulette Granger, il ajoute : « Vous avez désobéit« . L’ancienne employée de mairie enjouée répondit « Pardon !« , puis « Je ne le regrette pas !« .

    le 19 mars 2008, l’institut Yad vshem de jérusalem a reconnu comme Justes parmi les Nations Jean Bernard et Louise Bissou, leur  fille Hélène Ségurel, Louis et Léontine Chamon, Joseph et Joséphine Dalesme, Marcel Dalesme, Jean et Marie Ripoche, Francois et Louise Doche, et Paulette Claude (née Granger).

    Documents annexes

    Aucun document

    Articles annexes