Dossier n°11828 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Jeanne Voinot

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 21/02/1912
Date de décès : 06/05/2014
Profession : Boulangère

Roger Voinot

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 13/01/1913
Date de décès : //
Profession : Boulanger
    Localisation Ville : Avrolles Saint-Florentin (86900)
    Département : Yonne
    Région : Bourgogne-Franche-Comté

    Personnes sauvées

    Lieu porteur de mémoire

      Cérémonies

        Date de Cérémonie de reconnaissance: 03 Avril 2011

        L'histoire

        Jeanne et Roger VOINOT

        Jeanne et Roger VOINOT

        Madame ROUSSEAU habitait Avrolles, petite bourgade rurale de l’Yonne, rattachée aujourd’hui à la commune de Saint-Florentin, près de Chablis.

        Un jour de l’été 43, sa belle-fille qui vivait à Paris et travaillait à la SNCF, vint la trouver pour lui faire part d’un gros problème : Madame REGISTEL, une collègue et amie,  recherchait  une famille d’accueil habitant la campagne qui accepterait de  cacher Rachel, une petite fille de 11 ans qu’elle avait depuis un an prise sous sa protection.

        Rachel était la fille  aînée de Bronia et Wolf KOKOTEK, des juifs d’origine polonaise,  qui avaient été les voisins de  pallier de Madame REGISTEL au  19 de la rue Beccaria dans le 12e arrondissement de Paris. Ils avaient été arrêtés en juillet 1942 avec Fernande, leur petite fille de 4 ans, au moment de la rafle du Vel‘d’Hiv’, puis déportés et assassinés à Auschwitz. Une scarlatine pour  laquelle elle était alors hospitalisée à Trousseau, avait  miraculeusement épargné Rachel dont la mère, avant de partir  vers son cruel destin, avait eu la présence d’esprit de cacher l’existence aux policiers et de demander discrètement à sa voisine Madame REGISTEL de s’occuper d’elle.

        Catholique fervente et dévouée, cette dernière (qui était à l’époque mère d’une fille mariée et d’un garçon prisonnier de guerre en Allemagne), s’était rendue au chevet de l’enfant dont elle aurait pu être la grand-mère, avait organisé sa sortie de l’hôpital, et l’avait recueillie chez elle. Avec conscience et dévouement elle avait affectueusement entouré la fillette, et, comme cela se faisait pendant l’occupation pour les enfants des villes, l’avait envoyée à la campagne, à l’abri des bombardements. Placée sous le prénom de Marie-Hélène au Pensionnat Sainte-Hélène, dirigé par les sœurs de Saint-Vincent de Paul à  Epinay sous Sénart, à une vingtaine de kilomètres de Paris, la fillette avait passé l’année scolaire 1942/1943. A l’issue de celle-ci,  les religieuses, redoutant les contrôles d’identité opérés dans les écoles, avaient conseillé de rechercher pour la rentrée suivante un abri plus écarté de la capitale.

        Aussitôt qu’elle apprit cette grande détresse, Madame ROUSSEAU, alla trouver en toute confiance les boulangers du village pour réfléchir avec eux à une solution. Sans hésiter Jeanne et Roger VOINOT, parents de Nicole, une petite fille de 6 ans, parfaitement au courant des risques qu’ils encouraient,  proposèrent de prendre Rachel chez eux. « Une enfant, c’est une enfant,  Nous ne nous sommes posé aucune question ; c’était tellement naturel » confirme aujourd’hui Jeanne, à quelques mois de ses cent ans.

        La fillette, persuadée d’avoir été abandonnée par les siens (Madame REGISTEL, avait pensé adoucir sa peine en lui faisant croire que ses parents étaient partis  sans elle en Suisse),  retrouva chez ses bienfaiteurs, la chaleur d’une vie de famille. Jeannette et Roger en lui ouvrant leur porte, lui avaient aussi ouvert leur cœur. Ils l’avaient pratiquement adoptée, la faisant passer pour leur nièce, n’attendant aucune compensation financière, partageant avec elle le pain du fournil et les légumes du potager et redoublant de précautions pour que sa présence n’attire pas l’attention des soldats allemands et des SS cantonnés dans le village et logés chez les habitants. Ils ne l’envoyèrent à l’école que le jour où les instituteurs du pays qui avaient deviné ses origines, vinrent spontanément leur proposer de la prendre sans formalités dans leur classe sous le nom de Renée Cocoten.

        Quand sonna l’heure de la Libération, Renée était parfaitement intégrée à la population de Avrolles et ni elle ni Jeanne, ni Roger ne pouvaient imaginer qu’ils allaient devoir se séparer….

        C’est un cousin, venu aux nouvelles rue Beccaria, qui découvrit son existence et la signala à une œuvre juive qui regroupait les orphelins, cherchait à leur retrouver un lien familial et préparait à l’émigration en Palestine, ceux qui restaient définitivement seuls au monde. A son grand désespoir et à celui de Jeanne, de Roger et de Nicole, Rachel dut quitter Avrolles pour un centre situé en Normandie.

        Autorisée en 1945 à passer les fêtes de Noël avec les VOINOT qui lui avaient envoyé l’argent de son voyage, elle s’arrêta à Paris, retrouva d’instinct le chemin de son ancien domicile et en interrogeant le voisinage, découvrit que son grand-père, sans laisser d’adresse,  avait émigré aux Etats-Unis avec ses oncles et ses tantes. Un heureux hasard permit de retrouver sa trace et de le prévenir de la présence de sa petite-fille. Il fit sans tarder les démarches nécessaires auprès du consulat pour lui faire obtenir au plus vite un visa d’entrée.

        Rachel quitta aussitôt le Centre dont elle était pensionnaire et vint à Paris, où hébergée par des amis, elle dut encore attendre jusqu’à mars 1947 pour obtenir une place sur le bateau qui allait l’emmener à New York, après cinq ans d’errance et de solitude. Avant son départ, elle rendit visite à Madame REGISTEL : ce fut leur dernière rencontre.

        Devenue Rochelle Sameroff par son mariage, elle vit aujourd’hui aux Etats-Unis. Elle a trois enfants et cinq petits-enfants

        Récemment, une visite au  MEMORIAL de YAD VASHEM à Jérusalem, lui a permis d’authentifier un passé dont les nazis ne sont pas parvenus à éteindre la mémoire. Elle a découvert d’abord, gravé à jamais sur le mur des noms, celui de sa petite sœur  Fernande, répertoriée par Serge Klarsfeld parmi les enfants arrêtés lors de la rafle du Vel ’d’Hiv’, séparés de leurs parents, internés à Drancy jusqu’à ce que soit donné par le gouvernement de Vichy l’ordre de les envoyer au massacre. Puis, d’un clic sur l’ordinateur du Musée, elle a vu surgir de l’oubli les noms de Bronia et de Wolf, ses parents, signalés comme disparus par des cousins émigrés en Israël…. toute une  branche de son arbre généalogique qui allait bientôt revivre autour d’elle !

        Rochelle va revenir en France, pays où elle a vécu le pire et le meilleur de sa vie, pour assister à la remise de Médaille des Justes que va recevoir Jeanne VOINOT et, à titre posthume son mari Roger, avec lesquels elle n’a jamais cessé d’entretenir des relations épistolaires. Tous deux avaient jusqu’ici refusé une récompense pour un geste qu’ils estimaient normal et naturel. Jeanne VOINOT sera également ce-jour là,  décorée de la Légion d’Honneur Heureuse de pouvoir leur manifester enfin sa reconnaissance,  Madame Sameroff regrette cependant qu’il ne lui soit pas possible de rendre le même hommage à Madame REGISTEL …. A moins que les échos de cette cérémonie de remise parviennent aux oreilles d’un ayant droit de celle qui lui a tant donné mais dont elle n’a pas été prévenue de la disparition.

        Le 27 avril 2010, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Monsieur Roger Voinot et à son épouse Madame Jeanne Voinot, le titre de Juste parmi les Nations. 

        Légende photo1: De gauche à droite : Gilbert Voinot, frère de Roger, engagé volontaire dans l’armée Leclerc – Roger Voinot – Jeanne Voinot – Maurice Michaud, un ami,  Rachel Kokotek, Reine, une amie de la famille – et au premier plan Nicole Voinot. (Photo prise fin 1944)

        Légende photo1: De gauche à droite : Gilbert Voinot, frère de Roger, engagé volontaire dans l’armée Leclerc – Roger Voinot – Jeanne Voinot – Maurice Michaud, un ami,  Rachel Kokotek, Reine, une amie de la famille – et au premier plan Nicole Voinot. (Photo prise fin 1944)

        Légende photo 2: A gauche Roger Voinot et sa femme Jeanne, leur fille Nicole en bas, extrême gauche Mme Sameroff Komotek.

        Légende photo 2: A gauche Roger Voinot et sa femme Jeanne, leur fille Nicole en bas, extrême gauche Mme Sameroff Komotek.

        Articles annexes