Les Justes
Antoine Corriger
Année de nomination : 2010Date de naissance : 21/11/1884
Date de décès : 25/12/1967
Profession : Abbé
Département :
Région : Ile-de-France
Personnes sauvées
Lieu porteur de mémoire
Cérémonies
L'histoire
Une tradition familiale française et catholique
L’abbé Antoine Corriger est né en Lorraine, à Sarraltroff, le 21 novembre 1884. Son père, Antoine, garde forestier, partit avec sa famille pour la région parisienne, alors qu’il ne parlait pas du tout le français, parce qu’il refusait l’annexion allemande de la Lorraine par Bismarck ; il trouva un emploi d’ouvrier dans les usines Renault de Billancourt, mais il supporta difficilement les moqueries dont il était l’objet en raison de son accent germanique, et il retrouva un emploi, plus conforme à son premier métier, de garde-chasse dans un domaine privé. Sa mère, Clémentine, née Jung, travailla comme employée de maison. Le jeune Antoine fut éduqué dans une atmosphère de foi chrétienne intense. Dès qu’il le put, il retourna s’imprégner de ses racines lorraines proches des courants du catholicisme social. Il affectionnait particulièrement le couvent de Saint-Jean de Bassel où vivait une congrégation religieuse fondée en Lorraine par le Père Moye, les Soeurs de la Divine Providence. Ces religieuses infirmières et enseignantes étaient présentes dans la plupart des villages de la région. Devenu prêtre, il fut, pendant quarante ans, curé du village de Chaumontel (Val d’Oise), qui dépendait du diocèse de Versailles, avant la création de l’évêché de Pontoise.
Sous l’occupation, un curé héroïque
L’abbé Corriger a caché, pendant quatre ans, à quelques mètres de la Kommandantur locale, quinze Juifs, dont neuf enfants, de la famille Picovschi, immigrés d’origine roumaine, dans les locaux paroissiaux. Le décret du 22 juillet 1940 remet en cause la nationalité française accordée aux Juifs immigrés par la loi du 10 août 1927, qui offrait aux enfants nés en France de parents étrangers le droit d’opter pour la nationalité française, en vertu du « droit du sol ». En 1941, Rykla Picovschi sollicite l’aide de l’abbé Corriger pour ses trois enfants, et d’autres membres de sa famille. Son mari choisit de rester à Paris, mais, pris lors de la rafle du Vel d’Hiv, il est interné à Drancy et déporté. Des cousins rejoignent alors la famille. Une militante communiste amie de la famille, Madame Étienne, s’installe à Chaumontel comme gouvernante du curé. Elle participe au sauvetage. Pour ne pas éveiller les soupçons, l’abbé Corriger cache ses protégés en alternance dans le presbytère et sous l’estrade du théâtre de la salle paroissiale. Il les nourrit discrètement, en cultivant son potager, en ramassant les châtaignes dans la forêt. Dans une période où les restrictions alimentaires sont très dures, alors qu’on est censé vivre célibataire, la tâche n’était pas facile. Le jour, il disperse les enfants dans des fermes de paroissiens de confiance, en racontant de pieux mensonges. Le secret de son action est connu seulement de sa sœur Lise et de Madame Étienne.
Après la libération, un banal curé de campagne pauvre
Les gens qui l’ont connu après la guerre ignoraient tous son activité de sauvetage. Il ne l’a révélée qu’aux membres de sa famille, qu’il allait voir périodiquement à Sarraltroff, faisant le trajet en soutane sur un Vélosolex et mendiant de l’essence chez les pompistes. Il vivait très pauvrement au presbytère de Chaumontel, à la fois parce qu’il était curé d’une paroisse pauvre et parce qu’il partageait avec les indigents le peu qu’il recevait. L’environnement était très anticlérical et son église était régulièrement soumise à des graffiti, jets ou dépôts d’ordures et même d’excréments. Ses paroissiens le trouvaient souvent la serpillière à la main, nettoyant les souillures avec une grande patience. Pour financer les réparations nécessaires dans son église, il composa, sous le pseudonyme de Guy d’Ars, un oratorio, Jeanne aux voix, qu’il fit graver, en 1954, sur disque vinyle 33 tours ; amateur de photographie, il publia des cartes postales. Il est mort le 25 décembre 1967, à Groslay, dans la clinique où travaillait Sœur Marie-Chantal Graton, qui avait pour lui une grande estime : il lui avait fait découvrir sa vocation de religieuse infirmière. Mais elle n’a jamais su qu’il avait caché des Juifs. Au témoignage de tous ceux qui l’ont approché, c’était un érudit humble, discret, et profondément bon.
En mémoire d’un Juste
En 2007 une démarche de mémoire est entreprise par Simon et Gisèle Picovschi, qui ont fait partie de ces neuf enfants cachés. Ils informent le Père Dominique Pissot, curé du groupement paroissial de Luzarches, de leur intention de postuler pour l’abbé Antoine Corriger une inscription au Mémorial Yad Vashem, comme « Juste parmi les nations ». La famille Picovschi, dont certains vivent en Israël et aux États-Unis, et des sympathisants, comme Renée et Jean-Michel Rat, historiens, Bertrand Kugler, adjoint au maire de Sarraltroff, rassemblent témoignages et éléments biographiques. Un hommage officiel lui a été rendu à Chaumontel par les autorités civiles et religieuses, le 8 mai 2009 : une plaque souvenir est posée sur sa tombe et une autre sur la maison paroissiale où il cacha ses protégés pendant quatre ans. Le compte rendu de cette cérémonie se trouve sur le site du diocèse de Pontoise : http://www.catholique95.com.
Une biographie de l’abbé Antoine Corriger, écrite par Jean-Michel Rat et Renée Baure-Rat, a été publiée par la Société d’Histoire et d’Archéologie de Pontoise.
Le 19 septembre 2010, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à l’Abbé Antoine Corriger, le titre de Juste parmi les Nations.
Documents annexes
Dossier 11893-Corriger-Articles de Presse | |
Invitation cérémonie commémoration Corriger |