A Salviac (Lot) en octobre 1941, une jeune veuve, Berthe Fournier loua deux pièces de sa maison à des réfugiés juifs de Paris, Joseph et Pauline Sirota et leur fille Elisabeth, âgée de 3 ans. A Salviac également, mais dans le hameau dit Pech Curet, s’était établi un an plus tôt un jeune couple parisien, le plombier Pierre Leglaive et son épouse Raymonde. Stimulés par le slogan du « retour à la terre » du Maréchal Pétain, ils avaient entrepris la remise à flot d’une exploitation agricole abandonnée. Les exilés de Paris eurent vite fait de se repérer l’un l’autre à Salviac et un solide lien d’amitié se développa entre les familles Leglaive et Sirota. En août 1942, Berthe Fournier au cours d’un voyage à Paris rendit visite à la mère de sa locataire Pauline. Littéralement choquée par l’état de détresse, de malnutrition et d’insécurité de cette famille juive, elle décida d’emmener à Salviac Gisèle Cahen, 14 ans, la demi-sœur de Pauline. Non sans bravoure, bien que tremblante de peur, elle franchit avec l’adolescente juive démunie de laissez-passer le contrôle à la ligne de démarcation. Puis, en mars 1944, presque tous les Juifs encore à Salviac furent raflés au cours d’une opération de police allemande. Joseph Sirota travaillait chez Alsthom, sur le chantier d’électrification de la ligne SNCF et, ce jour-là, il fut épargné, ainsi que sa famille, tandis que leurs proches étaient victimes de cette vague d’arrestations et de déportations. Au cours de la nuit suivante, Pierre Leglaive vint discrètement chez Berthe Fournier et amena chez lui les quatre réfugiés juifs. Raymonde, sa femme, venait de mettre au monde son troisième bébé – le couple Leglaive eut 14 enfants. A Pech Curet, chacun se rendait utile, prenait sa part des travaux ménagers et des soins aux tout-petits. Elisabeth Sirota cependant fut mise en pension auprès d’une famille de la localité. Ses parents ne lui rendaient visite qu’après la tombée de la nuit. La situation dans le secteur devenait de plus en plus critique, surtout à partir du 6 juin 1944, lorsque les troupes SS en retraite se mirent à incendier les fermes et villages où ils découvraient des Juifs ou des maquisards. Aucun des Sirota ne sortait pendant le jour, et il en fut ainsi jusqu’à la Libération. Quand elle évoque son dramatique passage de la ligne de démarcation avec Berthe Naulin (son nom depuis son remariage), Gisèle dit : « Depuis ce jour je l’appelle « maman Betty », car comme à ma mère je lui dois la vie ». Quant à Pauline, après sa retraite et son veuvage, elle s’est établie à Salviac, auprès de ses sauveurs, qui sont devenus pour elle une seconde famille.

Le 3 mai 1999, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Berthe Fournier (Naulin) et à Pierre et Raymonde Leglaive le titre de Juste parmi les Nations.

 

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