Article du journal L’Impartial du 1 février 2025
En parler pour ne jamais oublier. Les lycéens de Gaillon (Eure) ont entamé un vaste travail de recherche pour faire vivre la mémoire des juifs qui ont été internés au château pendant l’Occupation. Un travail de mémoire d’importance en cette année de commémoration des 80 ans de la libération des camps de concentration et d’extermination. La Shoah a marqué toute l’Europe y compris la campagne euroise.
Justes parmi les Nations à Puchay
Un couple qui vivait durant la Seconde Guerre mondiale à Puchay a été déclaré, à titre posthume le 29 décembre 2021, Justes parmi les Nations par Yad Vashem, l’Institut International pour la Mémoire de la Shoah. Cette distinction honorifique est la plus haute décernée à des civils, non juifs, « qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs ». Louise et Robert Litez-Tiverval, deux retraités, installés dans la campagne normande au hameau Les Mesnils à Puchay, accueillent deux enfants juifs nommés Chaimovitch, Samuel, 14 ans et Albert, 11 ans, orphelins depuis 1935.
Les deux jeunes garçons, qui avaient déjà leurs certificats d’études, aident le couple dans ces travaux agricoles. Un de leurs camarades de l’orphelinat les rejoint, Charles Mularz, 12 ans. Charles restera environ quatre mois chez Louise et Robert Litez-Tiverval.
À la Libération Samuel, Albert et Charles sont rapatriés par une assistante sociale. C’est un peu avant le décès de Louise, que Samuel Chaimovitch retrouve la trace du couple d’agriculteurs qui a déménagé à Osséja, un petit village des Pyrénées. Louise décède en 1966 et son époux Robert en 1979.
Un couple d’Étrépagny déporté à Auschwitz
Abraham et Déborah Fuchs, couple de Polonais, étaient venus s’installer à Étrépagny bien avant la Seconde Guerre mondiale. Le couple y ouvre une boucherie chevaline. Leur foyer s’agrandit avec la naissance de leurs deux enfants, David et Estera dite Sabine.
À la fin de juillet 1942, Abraham et Déborah Fuchs sont arrêtés à Étrépagny parce que juifs. Internés au camp de Pithiviers, ils sont tous deux déportés à Auschwitz dont ils ne reviendront pas.
Après l’arrestation de leurs parents, David et Estera sont pris en charge par une tante à Paris. Ils sont alors pris en charge par une jeune fille, Suzanne Mathieu Guimbretière, qui œuvre pour la Wizo (principale organisation israélienne d’éducation et de services sociaux) qui se charge de déplacer les enfants juifs afin de les cacher.
Les enfants sont placés dans une première famille, avant d’arriver chez Marie-Élise Roger et ce jusqu’à l’été 1945. Le 4 juin 2001, Yad Vashem a décerné à Suzanne Mathieu et sa mère, Laure Viardot le titre de Justes parmi les Nations.
426 garçons rapatriés à Écouis
C’est un autre pan de l’histoire certes connu dans le secteur, mais souvent oublié. Le 6 juin 1945, parmi les 1 000 orphelins juifs rescapés du camp de concentration de Buchenwald en Allemagne, 426 garçons arrivent au préventorium (institution pour les jeunes patients atteints de la tuberculose) d’Écouis.
Ils sont majoritairement polonais, mais aussi hongrois, roumains, tchèques, lituaniens et allemands, et ont entre 8 et 23 ans. Durant quatre à huit semaines, ils seront accompagnés par les membres de l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE), et vont tenter de reprendre goût à la vie.
Parmi ces enfants de Buchenwald, certains ont connu des destins extraordinaires. Loulek, qui avait 8 ans en 1945, deviendra le grand rabbin de Tel Aviv, Israel Meir Lau. Autre personnalité passée par Écouis, l’écrivain Elie Wiesel, qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 1986 pour avoir perpétué la mémoire de la Shoah.
Pour ne jamais oublier cette sombre page de l’Histoire, un jardin mémoriel a été inauguré en 2023 dans l’enceinte de ce qui est aujourd’hui l’Institut médico-éducatif. Sur une structure en métal figurent désormais pour l’éternité les noms des 426 garçons de Buchenwald passés par Écouis.
Le château Rose aux Andelys
![Les Andelys château Rose](https://static.actu.fr/uploads/2025/01/8b1d735dec9767f1d735dec97532d7v-960x640.jpg)
Les plus jeunes n’ont sans doute pas connaissance de son existence. Entre 1945 et les années 60, une maison d’enfants baptisée le château Rose a abrité des enfants rescapés des camps.
Du château Rose il ne reste plus rien aujourd’hui. La belle demeure, qui se dressait dans ce que l’on appelle la rue du Colonel Gambier, a été incendiée en 1987.
Durant une vingtaine d’années, entre 150 et 200 enfants ont été accueillis dans cette maison ouverte par le Foyer ouvrier international juif. Elie Buzyn, juif polonais, dont la famille a été exterminée dans les camps d’Auschwitz et de Buchenwald, était l’un d’eux.
Après avoir été accueilli à Écouis, il est arrivé au Château rose où il a été initié aux travaux agricoles. Quatre ans avant son décès, en 2018 il témoignait devant des lycéens.
« Le Château rose a joué un rôle très important dans la reconstruction des adolescents, comme moi, qui ont connu les camps. »
Depuis, une plaque commémorative installée le 8 mai 2019 à l’ancien emplacement du château Rose rappelle qu’ici des enfants qui ont échappé à la barbarie nazie ont découvert un véritable lieu de vie, synonyme de renaissance.
Par la suite, le château Rose a accueilli des colonies de vacances.
![Les Andelys château Rose plaque 8 mai 2019](https://static.actu.fr/uploads/2025/01/6329a35dec9766729a35dec975b29av-960x640.jpg)
![Les Andelys château Rose plaque 8 mai 2019](https://static.actu.fr/uploads/2025/01/f5ecb35dec9760aecb35dec97edecbv-960x640.jpg)
Aurélie Hébert et Guillaume Voisenet