Juifs de Turquie et Justes de France
Mairie du 11r Arrondissement (Photo : V. Saül, DR).
Comment au milieu des tourments de la Shoah se sont croisés les destins des familles Hatem et Houdusse…
Chaque histoire authentique de Justes parmi les Nations et donc de Juifs persécutés mais sauvés, est unique, extra-ordinaire au sens le plus aigu. De l’individuel, chacune de ces histoires s’intégre dans ce drame absolu et collectif que fut la Shoah mais tout sauvetage est un espace concret au milieu du judéocide acharné. Dans leur immense modestie, les Justes ont saboté les mécanismes les plus sophistiqués du nazisme et de la « solution finale » que ce nazisme réservait et appliquait à ce qu’il qualifiait de « question juive »…
Parmi les 6 Justes honorés ce 12 février à la Mairie du 11e Arrondissement, Julien et Laure Houdusse ne font pas exception. Leur aide aussi désintéressée que courageuse à des Juifs de Turquie se devait d’être saluée avec respect et reconnaissance.
Lors de la cérémonie, fut rendue publique cette synthèse éclairante :
– « Julien et Laure Houdusse étaient concierges au 27, rue de Longchamp – Paris 16ème, où ils vivaient avec leur fille Edith, née en 1922.
En 1937, deux familles de juifs turcs viennent habiter l’immeuble :
– Michel et Elise Hatem, sans enfants,
– Oscar et Sol Hatem, parents de Nelly, née en 1922, et de Rose, née en 1930.
Edith Houdusse et Nelly Hatem fréquentent la même école et deviennent amies.
Le temps passe, Edith est fiancée, mais en 1940, elle apprend avec douleur que son fiancé est fait prisonnier.
En 1943, dans la France occupée, Nelly et Edith commencent à travailler. Rose, la jeune sœur de Nelly, est encore écolière. A son retour de l’école, elle se rend chez la gardienne, Madame Houdusse, où elle est accueillie comme une enfant de la maison en attendant le retour de ses parents.
La famille Hatem vit dans la crainte des lois anti-juives. Le 16 juillet 1943, Michel Hatem est raflé Bd Bonne Nouvelle et retenu au commissariat du quartier. Ses proches, affolés, cherchent un moyen de lui faire parvenir quelques vivres et une couverture. C’est Edith Houdusse qui se rend au commissariat pour lui apporter le nécessaire. Le lendemain matin, c’est encore elle qui vient aux nouvelles chez les Hatem. Là, elle se heurte à deux policiers venus arrêter toute la famille et qui la menacent à son tour. Impuissante, elle assiste à l’arrestation de ses amis.
Il ne lui reste plus qu’à avertir Nelly à sa sortie du bureau de ne plus rentrer chez elle. Elle l’emmène alors chez ses parents, Julien et Laure Houdusse, qui l’accueillent généreusement et la prennent en charge. De plus, Edith et son père prennent le risque de se rendre au commissariat pour porter des vivres aux prisonniers qui seront bientôt transférés à Drancy.
Là encore, la chaîne de solidarité ne faiblit pas. Les Houdusse, aidés de Madame Bauer, une relation des Hatem, parviennent à plusieurs reprises à faire remettre quelques colis aux internés, et même à les apercevoir. Ceci dans une période où le ravitaillement était plus que problématique.
Désormais, Nelly ne peut plus rentrer chez elle. L’appartement est sous scellés et elle n’a que les vêtements qu’elle portait sur elle. C’est Madame Bauer qui se chargera de lui procurer le nécessaire.
Sur les conseils d’un commissaire de Police, Nelly va alterner ses lieux de résidence, étant souvent hébergée chez les Houdusse, dont la générosité ne se dément pas.
En février 1944, les Hatem, internés à Drancy, sont transférés à Istanbul en tant que prisonniers et après bien des démarches. Ceci en fonction d’un statut particulier des ressortissants turcs à cette époque. Ils y resteront jusqu’à la Libération.
Bien heureusement, la famille au complet a pu se regrouper à Paris après la guerre et témoigner sa reconnaissance à des personnes au grand cœur qui se sont dévouées sans compter, au risque de leur vie. Julien et Laure Houdusse, ainsi que leur fille Edith Houdusse-Corguillet. »
Laure Houdusse, Juste parmi les Nations (Photo : Arch. DR).
Cette cérémonie fut rehaussée de la présence du Député-Maire du 11e Arrondissement, Patrick Bloche
et du responsable du Département des Justes au Comité Français pour Yad Vashem, Louis Gobart.
Les Médailles et Diplômes de Justes ont été remis à Pierre Nicolini et aux ayants-droits des autres Justes par Daniel Saada, Conseiller auprès de l’Ambassade d’Israël en France.
Article lié au Dossier 11382