Les rapports Gendarmerie-Juifs en France

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Dossier n°

Les rapports Gendarmerie-Juifs en France

Jean-Marie Pontaut & Eric Pelletier, « Chronique d’une France occupée. Les rapports confidentiels de la gendarmerie. 1940-1945 », Ed. Michel Lafon, 2008.


Journalistes à « L’Express », les deux auteurs consacrent 734 pages à un dépouillement de rapports de gendarmerie portant sur les sujets suivants :

– les Juifs (p. 15 à 104),

– la Résistance (105 à 320),

– la vie quotidienne et le marché noir (321 à 538),

– la Libération (539 à 706),

– Pétain (707 à 720).

 

Les lecteurs de ce blog comprendront qu’ici, le premier septième de ce livre retienne toute notre attention. Non pour y découvrir des « révélations » mais plutôt des confirmations. Ou comment dans le vocabulaire administratif propre à la gendarmerie est retranscrite une part active prise en France dans la Shoah. Soit par des uniformes qui obéissent sans autre état d’âme aux ordres, soit encore par des gendarmes au racisme pouvant s’exprimer à visage découvert, soit enfin et bien plus rarement, par des hommes qui sont loin d’idolâtrer Vichy et sa politique antisémite.

A titre d’exemples, voici quelques extraits significatifs de rapports cités dans ce livre.

– Limoges, 28 mai 1941, Rapport du chef d’escadron Jérôme : « juif 100%… »

 » On signale le cas d’un commissaire de police de Limoges, un nommé Schwartz, juif 100 %, et les gens se demandent comment ce fonctionnaire peut librement opérer lorsqu’il est obligé d’intervenir contre un de ses coreligionnaires…

Ce qui provoque le malaise que l’on constate à Limoges, c’est que les Juifs sont partout et que sous le manteau ils désirent ardemment la victoire anglaise, qui serait une victoire juive. »


– Tulle, 28 octobre 1941, Rapport du chef d’escadron Carrot : « la race juive… »

« On observe deux courants d’opinion à l’égard de la race juive. Les uns se demandent pourquoi le gouvernement ne se débarrasse pas de ces « malfaiteurs publics », qui hier nous ont conduits à la défaite et qui aujourd’hui se livrent au marché noir, capables par ailleurs de faire collusion avec les communistes et les francs-maçons pour renverser le gouvernement. Les autres estiment au contraire qu’ils ont le droit de vivre comme tout le monde. Il faut noter d’ailleurs que bon nombre de paysans et de commerçants sont de connivence avec eux pour leur réserver produits et denrées à des prix particulièrement élevés. »

– Limoges, 28 janvier 1942, Rapport du chef d’escadron Rebour : « la ligne… »

« Le franchissement de la ligne de démarcation par les Juifs étrangers a beaucoup diminué; en revanche, on peut évaluer à une moyenne de dix par jour les Juifs français qui passent de zone occupée en zone libre et arrivent en Charente.

Les passeurs de la ligne abusent de la situation; un d’entre eux a violé une femme avant de l’emmener en zone libre. »

– Tulle, 29 janvier 1942 : « en être débarrassé… »

« Dans les villes, ils sont considérés, avec juste raison, comme des parasites. Tout le monde souhaite en être débarrassé, soit par leur incorporation dans des formations spéciales, soit par leur internement dans des camps. »

– Guéret, 24 août 1942, Rapport du capitaine Chaumet : « le Dr M. »

« En juillet dernier, un Juif du nom de Salsebert David, sujet naturalisé français, venu passer des vacances à Châtelux, a dû quitter cette localité, le Dr M. ayant réussi, pour ainsi dire, à l’expulser du pays. A deux reprises, M. aurait foncé avec sa voiture automobile et le Juif n’aurait dû son salut qu’à sa promptitude à se garer.

Au commandant de la brigade de Châtelux-Malvaleix qui lui demandait pourquoi il fonçait sur cet Israélite avec sa voiture, le Dr M. a répondu qu’il s’était renseigné auprès de son beau-frère, substitut du procureur d’Etat à Périgueux, afin de connaître les pénalités qu’il encourait s’il tuait un Juif et qu’il lui avait été répondu que la peine ne serait pas grave. Dans ces conditions, le Dr M. aurait estimé qu’il ne risquait rien. »


– 5e Légion (Loiret et Loir-et-Cher), 11 août 1942, Rapport du général Balley : « la juxtaposition d’uniformes français et allemands pour ces opérations de transplantation… »

« Les gendarmes français escortent les internés jusqu’à la frontière allemande, sous les ordres d’un officier et de gendarmes allemands. Il est regrettable qu’ils soient chargés de ces services en compagnie de Feldgendarmes, car la juxtaposition d’uniformes français et allemands pour ces opérations de transplantation d’office de familles dissociées provoque la réprobation muette de la population française. Un officier de la légion, qui a effectué ces services jusqu’à la gare frontière, m’a déclaré que plus on avançait vers l’est, plus on constatait, au passage dans les gares, cette désapprobation manifeste du public français. »

– Tulle, 26 août 1942 : « opération de ramassage… »

« J’ai l’honneur de vous rendre compte que, en exécution d’une réquisition délivrée le 25 août 1942 par monsieur le préfet de Corrèze, la compagnie de la Corrèze a procédé ce jour, à partir de 5 heures :

– à une opération de ramassage de certaines catégories d’Israélites étrangers, exécutée sur l’ensemble du territoire en conformité avec des instructions gouvernementales récentes… »

– Lyon, 23 septembre 1943. Rapport du chef d’escadron Bariod : « un profond mouvement de pitié… »

« La plupart des Israélites de Lyon ont d’ailleurs bénéficié de nombreuses complicités, non pas que la population manifeste de l’attachement à leur égard. Le Juif est toujours considéré comme l’être cupide qui, abondamment pourvu d’argent, n’hésite pas à se servir du marché noir pour s’assurer le ravitaillement qu’il convoite, voire même pour chercher à s’enrichir davantage.

Mais la nouvelle des traitements inhumains qui ont été infligés à ceux appréhendés par les autorités allemandes en zone occupée, et la perspective de voir abandonner au même sort, malgré les précautions prises par le gouvernement français, ceux provenant de la zone non occupée ont donné naissance à un profond mouvement de pitié à leur égard. »

– Limoges, 23 mars 1943. Rapport du chef d’escadron Terry : « une véritable terreur… »

« Les Juifs étrangers vivent dans la crainte d’un nouveau ramassage. Les dernières opérations ont fait naître parmi eux une véritable terreur. Certains ont déclaré qu’ils aimaient mieux la mort que le transfert en Allemagne. »

– Lons-le-Saunier, 21 septembre 1943, Rapport de l’adjudant-chef Tissot : « jeunes gens de bonnes familles… »

« L’arrestation dans la section de jeunes soi-disant juifs a créé un certain mécontentement parmi la population, étant donné que ceux-ci ont été relâchés aussitôt leur arrivée à Lons-le-Saunier. Il s’agissait en réalité de jeunes gens de bonnes familles, catholiques les plus pratiquantes. Cela aurait pu être évité si, avant de lancer des réquisitions, on avait pris des renseignements sur les intéressés. »

– Bourg, 28 avril 1944. Rapport du chef d’escadron Lanaud : in extenso

« Le 6 à Izieu, quatre personnes dirigeantes et trente-deux jeunes de la colonie d’enfants réfugiés ont été arrêtés par les troupes d’opérations. Motif : la plupart des enfants seraient de confession juive. »