Discours de Sabine Gagnier, petite-fille d’Hélène et Pierre Gagnier, reconnus Justes parmi les nations le 26 décembre 2010

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Dossier n°

12855

Discours de Sabine Gagnier, petite-fille d’Hélène et Pierre Gagnier, reconnus Justes parmi les nations le 26 décembre 2010

Publié le 23/07/2013

 

 

 

 

 

Sabine Gagnier

Mes grands-parents paternels s’appelaient Hélène et Pierre Gagnier.

Alors qu’ils sont décédés depuis près de 25 ans, j’ai découvert, il y a quelques années seulement, qu’ils avaient aidé des familles juives, pendant les années d’occupation. 

« Je suis très honorée d’avoir pu témoigné des valeurs et du courage de mes grands-parents et tous ceux qui se sont battus contre la barbarie nazie. Que leurs vies servent d’exemples »

Mon grand père était un Pasteur protestant. Il avait été nommé à Nice en 1941, alors que la ville était en zone dite « libre ». Sous occupation italienne, la région ne connaissait pas les rafles effectuées ailleurs en France. Mais après la reddition des Italiens, les Allemands sont arrivés et les rafles ont commencé.

Mes grands-parents ont alors caché des familles juives dans le Temple. Ils leur ont fourni des vivres et de l’argent. Ils ont trouvé des logements pour cacher des enfants juifs dans des familles protestantes, dans l’arrière-pays niçois. Ils ont prêté leur maison familiale dans un village cévenol, pour loger une famille juive. Ils ont fabriqué de faux certificats de baptême, de faux papiers d’identité et ont prêté un local à la Cimade pour que l’organisation protestante fasse de même.

En tant que chef scout, mon grand-père cachait aussi parmi les jeunes dont il s’occupait, un jeune juif, aujourd’hui chirurgien. Un jour alors que ce garçon transportait des faux papiers pour une organisation juive, il s’est fait arrêter par la Gestapo et emmené dans un convoi qui partait pour la déportation. Mon grand-père a réussi à savoir dans quel convoi avait été emmené le jeune. Il l’a aidé à s’enfuir et ils sont échappés tous deux en vélo.

Ce sont les faits isolés que nous avons reconstitués grâce aux quelques témoignages que nous possédons. Nous avons appris en fait que mes grands-parents ont contribué à un véritable réseau : le Réseau Marcel. Créé par Moussa Abadi et sa compagne Odette Rosenstock dans le but de sauver des enfants juifs, le réseau a permis de sauver plus de 500 enfants, avec l’aide d’un autre Pasteur de Nice, le Pasteur Evrard et sa famille ainsi que l’évêque de Nice, Monseigneur Rémond, tous Justes parmi les Nations.

Il faut aussi parler de tous ceux qui ont permis le sauvetage : tous les autres Justes bien-sûr, et tous ceux qui ont aidé des Juifs, sans en avoir eu le titre: les héros anonymes, les organisations juives, toute la résistance civile et tous les différents réseaux qui ont contribué à faire en sorte que 75% des Juifs vivant en France échappent à la déportation. Le courage de tous doit être salué et hommage doit leur être rendu.

A travers tous ces gens, ces héros ordinaires et humbles, c’est l’histoire de la Shoah qui est transmise et ce sont des valeurs de courage, de fraternité et de liberté de conscience qui peuvent être enseignées. Honorer la mémoire des courageux, c’est lutter contre la barbarie, le racisme et l’antisémitisme.

Charge à nous, descendants, survivants, citoyens, d’être des passeurs de mémoires et de transmettre ces valeurs.

C’était le sens du voyage des descendants de Justes en Israël, organisé en avril dernier et pour la 4e année consécutive, par la Fondation France-Israël, présidée par Nicole Guedj, en partenariat avec le Comité Français pour Yad Vashem. J’ai eu la chance de faire partie de ce voyage et de rencontrer sur le mur de Yad Vashem les maires du réseau « villes et villages des Justes parmi les Nations ». Nous avons participé ensemble aux commémorations de la Shoah et avons déposé des roses au pied du mur des Justes pour signifier que nous devons nous souvenir collectivement.

Et c’est pour se souvenir que notre famille a accepté, à la demande de l’Association Les Enfants et Amis Abadi, que soit décernée à Hélène et Pierre Gagnier la médaille des Justes parmi les Nations, la plus haute distinction de l’Etat d’Israël, qu’ils avaient refusé de leur vivant.

Monsieur le Ministre, Mesdames Messieurs, permettez-moi de vous dire que je suis très honorée d’avoir pu témoigné des valeurs et du courage de mes grands-parents et tous ceux qui se sont battus contre la barbarie nazie. Que leurs vies servent d’exemples et d’enseignement afin que nous continuions à mener ensemble un combat pour le respect de la dignité humaine.