Préserver l’histoire du Chambon sur Lignon
Plaque attestant de la reconnaissance de milliers de juifs au Chambon sur Lignon (Ph. BCFYV / DR).
Maire du Chambon sur Lignon
Eliane Wauquiez-Motte
parle au nom de cette commune
reconnue « Juste parmi les Nations«
Lors de la cérémonie de reconnaissance de Jean Brottes en mai dernier, Madame le Maire de cette extraordinaire localité du Plateau cévenol a décrit avec justesse le pourquoi et le comment du courage de ces habitants qui firent du Chambon un barrage humain contre la Shoah…
Mme Eliane Wauquiez-Motte :
– « Mon message sera tout d’abord de bienvenue, il se veut très chaleureux à l’égard de tous et de chacun, ceux qui ont fait le voyage et ceux du Plateau qui sont là pour entourer M. Jean Brottes, personnalités, famille et amis venus nombreux pour témoigner.
Message à toi, Monsieur le ministre et mon cher Laurent, pour te dire tout le plaisir que j’ai à t’accueillir au Chambon, village auquel tu es si profondément attaché, pour cette cérémonie mémorielle au cours de laquelle Son Excellence Daniel Shek, ambassadeur d’Israël remettra la médaille des Justes à Jean Brottes ressortissant de la commune qui y est né en 1921.
Cette célébration revêt une signification particulière puisque le village du Chambon s’est vu décerner la médaille des Justes à titre collectif le 5 septembre 1988.
Bienvenue à vous Monsieur l’ambassadeur auquel je dois la visite bouleversante pour moi, maire du Chambon, du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, dont nul ne peut ressortir indemne. Ce lieu de mémoire hautement symbolique où la reconnaissance de votre peuple à notre village s’exprime par trois fois.
Vous aviez énoncé le souhait de venir au Chambon avant de quitter la France et je suis profondément touchée que, grâce à Prosper Amouyal, ami toujours attentif aux souhaits des autres, vous ayez accepté d’y venir pour remettre à Jean Brottes la plus haute distinction de votre pays décernée à un étranger.
Je m’adresse maintenant tout particulièrement à vous M. Paul Schaffer, Président du Comité français pour Yad Vashem, qui avez souhaité être parmi nous aujourd’hui afin de témoigner. Si vous m’y autorisez je reprendrai le fil de notre conversation d’hier au soir pour la faire partager à ceux qui nous écoutent : « A la suite de la rafle du Vel d’hiv, les Allemands font pression sur le gouvernement de Vichy, pour que les juifs étrangers de la zone sud soient rajoutés à la liste des déportations. Vous êtes arrêtés le 26 août 1942, interné à Drancy et déporté à Auschwitz par le convoi 28 le 4 septembre 1942. Votre mère et votre sœur sont gazées dès leur arrivée et vous échappez à ce sort. Vous êtes interné dans deux camps de travaux forcés, satellites d’Auschwitz, avant de rejoindre Birkenau en novembre 1943. C’est là que comme Simone Veil, vous vous trouvez confronté à la réalité de l’extermination. Vous me l’avez dit si simplement « Je n’ai pas rencontré de Juste ».
Discours de Mme le Maire (Ph. A. Karo / BCFYV/DR).
– « Avant de poursuivre et si vous le permettez, cher Gérard Bollon, je résumerai très brièvement en m’appuyant sur votre travail historique l’esprit et les faits :
Ici entre 1941 et 1945 plusieurs milliers de juifs ont été accueillis. Combien, c’est difficile à dire, car c’était la nécessaire loi du silence. Chaque ferme a été un abri et les paysans sont secrets.
Il existe sur le Plateau, montagne refuge comme le dit François Boulet, une longue tradition d’accueil pour les populations persécutées, les prêtres réfractaires à la révolution, les républicains espagnols fuyant le Franquisme, les enfants Alsaciens durant la première guerre mondiale. Dès 1938, Charles Guillon, pasteur et maire du Chambon, prévient ses administrés qu’ils doivent se préparer à accueillir des réfugiés. A sa suite les pasteurs André Trocmé, Edouard Theis et leurs épouses les encourageront à mettre en place accueil, refuge et filières de passage. Les habitants majoritairement protestants font cela généreusement, presque naturellement, par conviction, par humanité.
Le contexte géographique est propice, les hameaux sont nombreux, les fermes dispersées et isolées permettent aussi de vivre en quasi autonomie alimentaire. L’Ecole nouvelle cévenole dispose de plusieurs maisons dans le village et offre une scolarité de qualité. Chacun feint de ne rien savoir et la loi du silence prévaut. Pourtant la protection a ses lacunes comme en témoigne la rafle des Roches le 29 juin 1943. 19 jeunes gens sont arrêtés par la police et déportés avec leur Directeur Daniel Trocmé qui a tenu à les accompagner.
La population toute entière du Chambon et des communes environnantes a été reconnue comme « Justes ». L’accueil au péril de la vie » accompli dans la plus grande simplicité avec droiture et modestie par les habitants de notre territoire permet de préserver l’espérance par de là l’horreur et la tragédie de la SHOAH qui ont marqué douloureusement le XXème siècle. »
Jean Brottes, Juste parmi les Nations (Ph. A. Karo / BCFYV/DR).
« Parmi eux Jean Brottes, Chambonnais, a accueilli son ami Yvon Herschkowitz (Hervais) auquel il a permis de rejoindre Londres avec ses papiers d’identité, alors qu’il était lui-même recherché pour partir au STO. Ça s’est passé à Intres en Ardèche et je salue ici le maire de la commune.
Simple et droit, Jean Brottes vous incarnez l’accueil de l’autre.
Tant d’années après les faits, la médaille des Justes qui va vous être remise, vient rappeler l’ Histoire de la Montagne protestante.
Il apparaît aujourd’hui comme une urgente nécessité de préserver l’histoire de notre mémoire en confortant l’existant. Parcours et exposition appellent en complément un lieu symbolique qui viendrait s’inscrire dans le paysage patrimonial de la commune à proximité du temple et des écoles afin d’encourager la transmission aux nouvelles générations. Simone Veil qui soutient cette initiative, aimerait voir se renforcer nos liens avec la Maison des enfants d’Izieu. »
Eliane Wauquiez-Motte,
Maire du Chambon sur Lignon.
NB : Nos remerciements à Nadège Mayet (Secrétariat de la Mairie).