Village de Justes, le Chambon-sur-Lignon ouvre un musée du souvenir
Publié le 23/05/2013
Le Chambon-sur-Lignon, veut perpétuer par un musée le souvenir de ses "modestes héros" qui, par une résistance courageuse et discrète, ont sauvé plus d'un millier de juifs pendant la Seconde guerre mondiale
Le Chambon-sur-Lignon, seul village français honoré du titre de «Justes», veut perpétuer par un musée le souvenir de ses «modestes héros» qui, par une résistance courageuse et discrète, ont sauvé plus d’un millier de juifs pendant la Seconde guerre mondiale.
Perché à 1.000 mètres d’altitude à l’entrée des Cévennes dans le centre de la France, ce village protestant avait une longue tradition d’accueil et de résistance, rappellent les historiens, pour expliquer ce qui a pu motiver tant de petites gens, sollicitées par leurs pasteurs, à s’engager dans un mouvement de résistance pacifique aux atrocités nazies.
«Si les habitants ont à ce point spontanément réagi, c’est à cause du souvenir des longues persécutions du XVIIIe siècle : l’accueil de l’autre, du réfugié, fut totalement normal pour eux», explique Philippe Joutard, spécialiste du protestantisme cévenol.
A ces profondes racines de résistance s’ajoute la transformation, avec l’arrivée du chemin de fer, de cette terre rude aux paysages sauvages en lieu de villégiature où le climat vivifiant favorise l’accueil des enfants des milieux ouvriers venus des grandes villes. Hôtels, pensions et maisons d’enfants fleurissent.
C’est dans ces établissements que seront accueillis, dès la fin des années 30, les premiers réfugiés, Républicains espagnols fuyant le franquisme, anti-nazis exilés d’Allemagne ou d’Autriche. Puis des juifs de différentes nationalités, toujours plus nombreux. D’abord hébergés, puis devant le danger de la déportation à partir de 1942, cachés ou exfiltrés, notamment vers la Suisse. Plusieurs centaines d’enfants, aujourd’hui disséminés dans le monde, seront ainsi sauvés.
Une loi du silence jamais trahie
Car dans ce village «un peu perdu», les habitants ont été très tôt «alertés» sur les dangers du nazisme, raconte Aziza Gril-Mariotte, chargée du futur Lieu de mémoire du Chambon qui ouvrira le 5 juin dans une aile de l’école du village, avec témoignages vidéos et salles thématiques.
Trois pasteurs locaux mais voyageurs –Charles Guillon, André Trocmé et Edouard Theis–, qui ont des contacts internationaux, ont eu un rôle crucial, rappelle-t-elle. Ils ont initié le mouvement de «résistance civile», nourrie de résistance spirituelle, qui poussera instituteurs, fermiers, médecins, commerçants, propriétaires d’hôtels, domestiques… à organiser spontanément ce sauvetage collectif. Avec une indéfectible loi du silence jamais trahie.
«Quand on pense à la Résistance, on pense à De Gaulle et aux maquis», explique le chercheur Jacques Sémelin (CNRS), «mais une autre résistance, civile, s’est développée qui consistait à faire sortir les juifs du milieu où ils étaient en danger pour les intégrer dans des milieux non-juifs. Il s’agissait de créer du lien social de telle sorte qu’il soit plus difficile de les arrêter».
Au moins un millier de juifs – plus de mille noms ont été identifiés à ce jour par les historiens, 3.000 si on compte les réfugiés de passage – ont été sauvés par les habitants du Chambon-sur-Lignon et des communes environnantes, leur valant en 1990 le titre collectif, unique en France, de Justes parmi les Nations décerné par l’Institut israélien Yad Vashem.
Parallèlement, quatre-vingt Justes du Chambon ont été honorés à titre individuel, dont les derniers sont décédés au début des années 2010.
«Au moment où la tradition orale par les anciens s’évanouit peu à peu, nous nous devions de préserver l’histoire de ce passé exceptionnel pour le transmettre aux jeunes générations», insiste Eliane Wauquiez-Motte, maire de la commune qui se félicite que le Lieu de mémoire mette surtout en valeur archives personnelles et témoignages des acteurs.
«Un passage de témoin», pour une histoire, constate-t-elle, «souvent mieux connue à l’étranger qu’en France».
Jean-Philippe Ksiazek AFP
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