Villeneuve. Le pélerinage de Jacques Frémontier
«Nous avons vécu pendant six mois, cachés, au deuxième étage de la boutique de fruits et légumes./F.P.
Le siège de la milice était en face à l’ancien café des Provinces. Le chef des miliciens, le pharmacien Perricault, tenait son officine à quelques mètres de la tour de Paris. Eva et Georges Rouquet vendaient des fruits et légumes dans une petite boutique accolée à la tour du XIIIe siècle et qui, depuis, consacre son activité commerciale au pruneau et à l’épicerie fine. La famille Friedman quitta Paris et le climat que l’on devine pour s’établir dès 1940 dans la petite sous-préfecture du Lot-et-Garonne. «Nous habitions rue Bernard-Palissy, dans un logement appartenant à Mme Calmel. J’ai été élève, pendant 4 ans du collège Georges-Leygues situé à l’emplacement de l’actuel Hôtel des Postes». Le proviseur était Gaston Bourgeois, dont une place de la cité rappelle la mémoire et l’action : «Comme 3 autres Villeneuvois il est «Justes parmi les nations», ajoute Jacques Frémontier, Gaston Bourgeois, Eva, Ginette et Georges Rouquet». Clients de la boutique de fruits et légumes du père Rouquet, un ancien garde républicain, la famille Friedman s’entendit dire, un jour, «si vous avez un problème vous pouvez compter sur nous.»
La Gestapo à Agen, la milice omniprésente et les lois iniques de Vichy conduisirent bientôt la famille Friedman dans la clandestinité. Gaston Bourgeois procure de faux papiers à Jacques, Ginette au père de Jacques, et c’est le père de Jacques qui fabrique ceux de son épouse. Dans la clandestinité, Jacques s’appelle Philippe Vinson, son père Pierre Fournier, sa mère Marthe Froment (le nom de Frémontier date de 1959, seize ans plus tard). Jacques Frémontier, journaliste retraité, ancien rédacteur en chef de «Paris-Presse» et ancien directeur de «Paris-Jour», raconte : «Mes parents ont vécu pendant six mois au deuxième étage de la boutique de fruits et légumes. Moi, j’étais pensionnaire au collège. Eva,Georges Rouquet et leur fille Ginette venaient nous apporter à manger». On imagine les craintes, le sentiment d’insécurité permanent et pour tout dire la peur de cette vie recluse, guettant le moindre bruit suspect. La situation devenant de plus en plus dangereuse c’est une autre cachette, toujours grâce à la famille Rouquet, qui permettra à la famille Friedman de s’éloigner du danger, «dans une ferme d’un petit village de la montagne noire». La libération, 1 944. «Et ce sentiment que la famille Rouquet, Eva, Georges et Ginette nous ont sauvés la vie». Une petite cousine et la tante de Jacques Frémontier n’auront pas cette chance. Déportées, elles mourront dans l’enfer de Auschwitz-Birkenau. Et on sent bien dans la voix de Jacques Frémontier que cette cicatrice-là ne se refermera jamais… Comme on ressent le respect absolu pour la famille Rouquet: «Ginette vit désormais en Angleterre; on se rencontre une fois par an, mais elle ne pourra pas venir à Villeneuve, lundi, elle à 90 ans.» Jacques Frémontier est revenu sur les bords du Lot une fois entre 1946 et 1948 et une autre fois l’an dernier. «L’émotion est forte évidemment. Il m’a fallu plus de 24 heures pour trouver le courage d’aller jusqu’à la Porte de Paris et à l’ancienne boutique des Rouquet…» Ginette Rouquet a reçu sa médaille de «Justes parmi les nations» à la Chambre des Lords, à Londres. Lundi 20 août, en souvenir de cet épisode, une plaque sera apposée sur la Tour de Paris.
Quand on sait que 70 % des collégiens déclarent ne pas connaître la Shoah, le geste est tout sauf symbolique : il faut sans cesse réalimenter la mémoire collective et individuelle, témoigner, témoigner encore pour ne pas oublier…
En parallèle à une exposition à la mairie, un dépôt de plaque à la tour de Paris marquera, lundi, les actes de courage de la famille Rouquet, un ancien garde républicain.
Le chiffre : 4 ANS
Entre 1940 et 1944. De vie à Villeneuve pour la famille de Jacques Frémontier.
La famille Rouquet, les parents Eva et Georges et leur fille Ginette, nous ont sauvé la vie… Il y a plus de 3300 «Justes en France»
Jacques Frémontier.
Jean-Louis Amella
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Article lié au Dossier 10436