Au nom de la mémoire
90 noms de victimes et héros de la déportation gravés dans des colonnes de verre incarnent désormais la mémoire de l’histoire libournaise pendant l’Occupation.
De nombreux participants à l'inauguration de la nouvelle stèle. (photos stéphane klein)
«Nuit et brouillard ». La chanson de Jean Ferrat a symboliquement ouvert hier la cérémonie inaugurale des nouvelles stèles dédiées au souvenir des victimes et héros de la déportation, en présence d’une foule nombreuse, alors que le soleil, qui avait disparu depuis une bonne semaine, arrivait à percer les nuages. De bon augure, car tout le monde n’aurait pas pu trouver place sous le chapiteau destiné à abriter la manifestation.
Mais il fallait par la suite avoir un sacré coffre pour couvrir le bruit des voitures tournoyant autour de la place Jean-Moulin. Si la voix pure et majestueuse de Michel Etcheverry a permis au chanteur basque d’interpréter a cappella « Le Chant des marais » puis « Le Chant des partisans » et « La Marseillaise », il a fallu au maire Philippe Buisson toute la force de sa conviction pour faire passer son message.
En dépit de la sono, la lecture des noms des déportés disparus par deux représentants du Conseil municipal des enfants, les autres témoignages (ceux de Mme Mélinon et de sa sœur, au nom de l’association du Souvenir de Myriam Errera, ceux des représentants de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes), les poèmes lus par deux collégiens d’Eugène-Atget, et le récit émouvant d’André Courcelas, survivant de la déportation, dont les souvenirs ont été recueillis par Brigitte Duraffourg sur son lit d’hôpital, sont restés parfaitement inaudibles pour la grande majorité des participants.
Quatre-vingt-dix noms gravés
On retiendra finalement de cette cérémonie officielle, tenue en présence du sous-préfet Patrick Martinez, toute la solennité de l’événement et l’émotion suscitée. Le monument à la mémoire de la déportation érigé à la demande de Gilbert Mitterrand en 1989, un bloc de marbre poli, gravé d’un soleil, d’un visage décharné et d’un fil de fer barbelé faisant écho aux images des camps de concentration, est désormais flanqué de deux stèles de verres où sont gravés les noms des 87 personnes arrêtées et raflées à Libourne de 1941 à 1945, décédées ou disparues en déportation.
Vingt-sept, arrêtées entre 1941 et1945 pour des faits de résistance, pour leurs convictions politiques ou leur engagement syndical, et 60, dont 15 enfants, lors des rafles entre juillet 1942 et janvier 1944, déportées à Auschwitz. Quatre-vingt-sept noms auxquels ont été ajoutés ceux de trois Libournais reconnus par le Yad Vashem comme « Justes parmi les nations » : Thérèse et René Boussat et Henri Daigueperse (lire notre édition de samedi).
« Trois noms qui permettront de se souvenir qu’au milieu des ténèbres, des personnes ont su raviver la lumière, en prenant le risque presque insensé en ces périodes si sombres, de tendre la main. Trois noms qui rendent à l’humanité entière, ce qu’elle avait de plus précieux : la dignité », dira Philippe Buisson.
« Ce monument dédié au souvenir de la déportation, précisera encore le maire, incarnera mieux encore cette mémoire, lui donnera corps en lui rendant les noms de ceux qui ont été sacrifiés sur l’autel du nazisme et de la collaboration des autorités françaises de l’époque. »
Retrouvés grâce au travail de recherche effectué par la Ville, l’association du Souvenir de Myriam Errerra et la FNDIRP, ces noms rappelleront aux générations présentes et à venir le souvenir de ceux qui furent arrachés à la vie, « par la plus monstrueuse coalition de la haine et de l’indifférence ».
Jean-françois harribey
Libourne le 30/04/2012
source: http://www.sudouest.fr/2012/04/30/au-nom-de-la-memoire-702195-639.php du 04/05/2012