Des médailles pour les Justes, ces héros ordinaires
Publié le jeudi 06 juin 2013
Georgette Bourgeteau, fille de Catherine et Guy Lecomte, fils de Paul et Fernande aux côtés du représentant de l’Etat d’Israël.
REIMS (Marne). Catherine Bourgeteau, Paul et Fernande Lecomte ont reçu hier la médaille des Justes à titre posthume. Pour avoir sauvé une famille juive rémoise pendant la guerre.
Ils ont « juste » sauvé des vies. « Sans Catherine Bourgeteau, sans Paul et Fernande Lecomte, je ne serais tout simplement pas là aujourd’hui. Ils ont sauvé ma famille sans se soucier du danger ». Chloé Grosman, 23 ans, a fini de raconter l’histoire de son grand-père Henri et de sa tante Ginette, alias papadou et tatagigi, avec des sanglots dans la voix. Elle n’était pas la seule à être émue, hier après-midi à l’hôtel de ville. La salle des fêtes était pleine pour cette cérémonie en l’honneur de trois Justes parmi les Nations. Ils ont reçu une médaille à titre posthume pour avoir permis à une famille juive rémoise d’échapper aux camps de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Le courage se trouve surtout chez les êtres ordinaires qui accomplissent des actes extraordinaires », a souligné Elad Ratson, venu en représentant de l’ambassadeur d’Israël remettre les distinctions aux descendants de ces trois héros ordinaires.
En 1942, Catherine Bourgeteau, qui vivait seule avec sa fille rue du Commandant Lamy, n’a pas hésité une demi-seconde avant d’ouvrir sa porte à la famille Grosman. Elle les a cachés pendant deux mois dans son deux pièces cuisines. Au péril de sa vie.
« Mes parents étaient des gens simples »
Après avoir reçu des faux papiers grâce au courage d’un policier, les Grosman sont ensuite partis se réfugier dans l’Indre. Là-bas, les enfants âgés de 5 et 10 ans, soit papadou et tatagigi, ont été cachés à la ferme de Paul et Fernande Lecomte. Ils les ont fait passer pour leurs neveux pendant deux ans.
C’est leur fils Guy qui a reçu leur médaille hier. « Mes parents étaient des gens simples. Ils auraient été très embarrassés d’assister à une telle cérémonie. Ils auraient aussi été comblés de voir tous leurs descendants réunis pour cette fête de l’amitié et de la mémoire ».
La médaille de Catherine Bourgeteau a été remise à sa fille Georgette. Elle vit encore rue du commandant Lamy, mais dans la maison en face ! « Merci pour l’honneur fait à ma maman mais il s’agissait seulement d’un acte d’amour. Au début j’hésitais à recevoir cette distinction mais aujourd’hui je suis fière car, oui, ma maman était vraiment une femme juste ».
Elle aurait sans doute apprécié cette médaille qui n’est « ni une récompense, ni une décoration mais un témoignage de gratitude ». Seulement destinée à leur dire merci.
Au son du klezmer
– Ému, le sous-préfet
On a rarement vu le sous-préfet Michel Bernard aussi ému au moment du discours. Ému et pour la première fois presque gêné de représenter l’État français qui, comme il l’a rappelé lui-même, « a été l’instrument d’une politique injuste entre 1940 et 1944 ». Mais, comme il l’a aussi souligné, « beaucoup de fonctionnaires ont sauvé l’honneur de leur pays en désobéissant et en sauvant des vies ».
– Le prochain Juste sera..
Raymond Bourlon pourrait bien être le prochain Juste honoré à Reims. Il s’agit du policier qui a prévenu les Grosman quand il a eu connaissance d’une rafle et qui leur a procuré de faux papiers. Un désobéissant cher au sous-préfet !
– Reims ville exemplaire
La maire Adeline Hazan a rappelé que plus de 1 500 actes racistes dont 600 menaces antisémites sont encore comptabilisées en France par an. « Il est du devoir de chacun d’agir et de réagir. C’est pourquoi j’ai choisi de doter cette municipalité d’une équipe composée d’un adjoint chargé de lutter contre les discriminations ». C’est à cette équipe que les familles des Justes doivent l’organisation de la cérémonie.
– Au son du klezmer
Rien de tel que quelques airs traditionnels yiddish pour mettre les invités dans l’ambiance. Un petit orchestre klezmer composé de deux musiciens a joyeusement animé la cérémonie. « Cette réunion est d’abord une fête », a rappelé un fils de Justes. Il manquait quelques danses à la fin.
– Bon anniversaire !
C’est à Alain, petit-fils Grosman, que les Justes doivent d’avoir été honorés. C’est lui qui a fait la demande auprès du mémorial de Yad Vashem de Jérusalem et qui a monté le dossier. « J’ai pris conscience que j’avais un devoir de mémoire en sortant du cinéma après avoir vu la Liste de Schindler ». C’était en 1993. La procédure est longue pour faire obtenir le titre de Juste. « L’an dernier, le 8 mai, j’étais las d’attendre. Mon père devait fêter ses 80 ans le 18. J’ai envoyé un mail à Yad Vashem en Israël en leur disant que ce serait bien que mon père apprenne pour son anniversaire que ceux qui l’avaient sauvé deviendraient des Justes. Ils m’ont répondu ! Ils ont dit que ce n’était pas dans leurs pratiques habituelles mais ils souhaitaient un bon anniversaire à mon père et lui annonçaient la bonne nouvelle avant l’heure ».
– « Tu reviens si ça recommence »
Henri Grosman, caché deux ans chez Paul et Fernande, est resté en contact après la guerre avec Guy, Raymonde et Germaine, les enfants de la famille. « Je me souviens que le jour de l’attentat de la synagogue de la rue Copernic, Germaine, bouleversée, m’a appelé et m’a dit : “Henri, si ça recommence, tu reviens vite chez nous“. »
Catherine FREY
Publié par Matthieu Rappez le 05/06/2013
Réception hôtel de ville de Reims
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