Diplomate de renom et Juste parmi les Nations, Jean-Marie Soutou est né à Bruges (1912 – 2003)
Du 22/11/2015
Soutou Jean-Marie, Léon
« Rendre hommage à Jean-Marie Soutou c’est vouloir commémorer le souvenir d’une vie d’engagements, marquée par la Résistance et par la construction européenne ; c’est vouloir retrouver le parcours d’un intellectuel béarnais engagé dans les grands affrontements idéologiques du siècle depuis les années 30 jusqu’à la guerre froide ; c’est enfin jeter un regard nostalgique sur une période de notre histoire où des jeunes gens exceptionnels ont pu mettre en oeuvre leurs convictions et exercer précocement des responsabilités de premier plan après avoir défié l’ennemi et tiré de ce combat une sûreté de comportement qui nous fascine encore. »
Voila ce qu’écrit Maître Bernard Dupin, membre de l’Académie de Béarn, en introduction d’un article consacré à Jean-Marie Soutou et publié dans la Revue de Pau et du Béarn.
Né à Bruges le 18 septembre 1912, fils d’Antoine Soutou, cordonnier, et de Marie Matocq-Massey, le jeune Jean-Marie interrompt ses études au collège de Bétharram dès l’âge de quinze ans. Particulièrement intelligent et curieux, il se forme à la radio et exerce quelques temps le métier d’électricien.
Dès 20 ans, il se rapproche de l’abbé Plaquevent et contribue avec quelques autres à la création du groupe Esprit de Pau en 1934. Au travers de rencontres, de débats et d’études auxquels il prend part au sein de ce mouvement de pensée il s’affirme déjà comme un homme au jugement sûr. Séduit par la liberté du philosophe Emmanuel Mounier vis-à-vis des idées reçues et des pouvoirs constitués, Jean-Marie Soutou devient son ami. A la demande du philosophe, il entre en contact avec la famille Semprun en Espagne alors que la guerre civile vient d’y éclater et organise son hébergement dans un hôtel de Lestelle-Bétharam appartenant à la famille Soutou.
Quatre années avant l’invasion de la France par l’armée allemande, Jean-Marie Soutou entre ainsi en résistance contre le nazisme dans le cadre du conflit ibérique.
En 1937, J.M. Semprun est nommé chargé d’affaires de la République Espagnole à La Haye (Pays-Bas) et engage Jean-Marie Soutou comme secrétaire particulier. En 1939, la fin de la République espagnole entraîne l’exil de la famille Semprun en France. Durant toute cette période, Jean-Marie Soutou fréquente toujours la famille Semprun, dont le fils Jorge, futur ministre et grand écrivain, termine des études au lycée Henri IV à Paris. Jean-Marie Soutou prend les fonctions de secrétaire de rédaction de la revue Esprit toujours aux côtés d’Emmanuel Mounier.
Mobilisé de septembre 1939 à août 1940, il reste quelques temps en Ardèche et rejoint Emmanuel Mounier à Lyon en 1941. A partir de cette période Jean-Marie Soutou conduit de front plusieurs activités à vocation culturelle et souvent clandestines.
Il poursuit en outre, au travers du réseau « Amitié Chrétienne » son action d’aide aux juifs étrangers et aux personnes pourchassées par la police de Vichy. Marié depuis le printemps 1942 avec Maria Isabel Semprun, il s’introduit avec son épouse dans le Fort de Vénissieux, camp de transit pour les juifs destinés à être envoyés en Allemagne, en se présentant comme travailleur social. A partir de renseignements directement recueillis par Jean-Marie Soutou, 108 enfants juifs sont arrachés du camp de transit de Vénissieux et échappent ainsi à la déportation. Ce sauvetage vaudra à Jean-Marie Soutou de recevoir la médaille des Justes parmi les Nations en 1994.
Arrêté par la Gestapo à Lyon le 27 janvier 1943, il est incarcéré au Fort de Montluc et libéré un mois plus tard faute de preuves et grâce à l’intervention énergique du Cardinal Gerlier. Il passe en Suisse avec son épouse enceinte. Il entre en contact avec Georges Bidault et en août 1944 il rejoint la délégation suisse du gouvernement provisoire du général De Gaulle. Il prend goût au métier de la diplomate. Après la guerre, bien que candidat sans diplôme, il est reçu au concours spécial des Affaires Etrangères.
Dès lors il connaît une carrière brillante dans la diplomatie qui le conduira entre autres, de Belgrade à Milan en passant par Moscou. Connaissant bien l’URSS, fervent partisan de l’entente franco-allemande et européen convaincu, il intègre en 1954 comme adjoint, le cabinet de Pierre-Mendès France, alors président du Conseil et ministre des Affaires Etrangères. A ce poste il participe à toutes les grandes négociations européennes.
Il occupe par la suite divers postes prestigieux au sein de la diplomatie française parmi lesquels Ambassadeur de France à Alger, Représentant de la France auprès des Communautés européennes ou encore Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères.
Après sa carrière diplomatique, Jean-Marie Soutou poursuit son action en faveur des Droits de l’homme. C’est en qualité de Président de la Croix-Rouge française qu’il vient visiter l’antenne de Pau en 1980 où il découvre « le plus bel exemple qu’il m’ait été donné de voir jusqu’ici d’une véritable vie communautaire de notre association ».
Gérard Rouillon