L’Arbre de la Mémoire à Tence
Tence Chaumargeais Istor… autant de lieux de résistance à la Shoah
Le 20 juin de cette année, a été inauguré à Chaumargeais un Arbre de la Mémoire pour toutes les familles de persécutés qui trouvèrent un abri dans la région de Tence et en hommage à celles et ceux qui les ont aidées pendant la Deuxième guerre mondiale.
Depuis le même jour, à Istor, une plaque commémorative rappelle désormais l' »Ecole des Prophètes », ce noyau culturel juif au milieu d’une barbarie qui en cherchait la disparition complète.
Enfin, au Mazet, les époux Duron furent officiellement reconnus comme Justes parmi les Nations. Une page de ces reportages a déjà décrit cette cérémonie en pays protestant.
Jean Gibert :
– « A l’initiative des Amis du vieux Tence, y a été inauguré L’Arbre de la Mémoire, en souvenir des familles persécutées et hébergées dans la commune et ses environs. Cette stèle se veut comme un hommage à tous ceux qui ont aidé ce peuple déraciné, recherchant au gré des rencontres, la sécurité, un toit, de quoi se nourrir et si possible un peu de chaleur humaine.
La sobriété de la cérémonie s’est conjuguée avec le recueillement des participants à l’écoute des mots du premier magistrat Tençois, Jean Digonnet, du président des Amis du vieux Tence, Michel Pabiou, suivis d’une brève intervention du secrétaire d’Etat, Laurent Wauquiez, et du récit de l’exode des juifs par Francis Weill, enfant caché alors avec sa famille au Mazet-Saint-Voy.
L’interprétation émouvante, a cappella, par Jean-Claude Fouillet de la chanson de Jean Ferrat, Nuit et brouillard, a précédé la découverte de la stèle, L’Arbre de la Mémoire. Après quoi, les participants sont montés jusqu’à « Istor » inaugurer une plaquette, expliquant le rôle de L’École des prophètes et écouter le témoignage de M. Michaeli, ancien consul de France et ambassadeur en Afrique, ayant été recueilli précisément à « Istor », par la famille Fournier. »
(Le Progrès, 21 juin 2010).
Plaque apposée par les Amis du Vieux Tence (Ph.hephil.roux/BCFYV/DR).
Sur la plaque explicitant l’Arbre de la Mémoire de Tence, on peut lire cette citation d’André Chouraqui :
– « Je pédale jusqu’à ce que la lune apparaisse, et soit haut dans le ciel……
Demain nous chercherons….
J’ai en moi une vision terrible de l’agonie du monde et de l’indignité des hommes,
de notre indignité. »
André Chouraqui :
– « André Chouraqui prend contact avec les réseaux naissants de la Résistance et devient le représentant de l’OSE (Œuvre de secours aux enfants juifs, entrée dans la clandestinité) en Haute-Loire et en Ardèche.
Pendant plus de deux ans, il sillonne les villages pour cacher des enfants et procurer des faux papiers aux réfugiés menacés de déportation. Il constate la solidarité agissante des pasteurs et des villages protestants à l’heure où la France fait la chasse aux juifs. Ses protecteurs du Chambon fournissent un poste d’enseignant et une pension amie à son maître Georges Vajda, qui s’établit ainsi à quelques kilomètres des Chouraqui.
Dans la clandestinité, il rencontre l’historien Jules Isaac.
Avec Albert Camus, également réfugié, ils jetaient les fondements de leurs œuvres réciproques.
Près de la demeure qu’il occupe dans le village, Jacob Gordin dirige « l’école des prophètes », noyau de la future école des cadres d’Orsay, où quelques intellectuels juifs pensent à ce que seront les lendemains de la guerre. »
(Biographie officielle).
Dans la clandestinité : André Chouraqui et son épouse (Arch. fam./BCFYV/DR).
Fabienne Mercier :
– « Il a quatre-vingt-huit ans, une bouille drôlement sympathique. Son œil est malicieux, même si l’émotion le submerge, parfois. Lorsqu’il se souvient de l’asile que lui et ses amis, des jeunes gens, des intellectuels juifs, ont trouvé ici, en terre du Haut-Lignon, chez Lydie et Henri Fournier, pendant une partie de la Seconde guerre mondiale. Il se nomme Itzak Michaeli, il vit en Israël. Dans l’assistance, on le hèle en l’appelant tout simplement Micha.
Ce qu’il raconte paraît proprement surréaliste. Imaginez que dans la période où la traque des juifs, en vue de leur extermination, est à son apogée, dans une Europe à feu et à sang, Micha participait, à « Istor », un hameau de « Chaumargeais », commune de Tence, à un cercle juif d’études et de formation. De novembre 1943 à juillet 1944, ce séminaire spirituel et philosophique permanent poursuivait l’objectif de pérenniser et de transmettre les fondements d’une identité juive renouvelée.
On retrouvait là des personnalités remarquables. Les pivots de l’aventure étaient, au côté de Micha, Georges Levitte, Elie Rotnemer, Pierre Weill-Raynal. S’y ajouteront ensuite Jacob et Rachel Gordin, Georges Vajda. Graviteront encore sur le secteur d’autres penseurs réfugiés tels André Chouraqui, Léon Poliakov. Ils venaient, pour la plupart, de la branche clandestine des éclaireurs israélites de France, une structure liée au scoutisme.
Dans un moment de notre histoire où il faisait nuit noire, ces êtres se projetaient résolument dans le futur, avec optimisme. « Nous cherchions, tous ensemble, en amenant, chacun, nos apports particuliers, des éléments d’une pensée spécifiquement juive mais largement ouverte sur l’universalité et l’humanisme. »
L’été 44 verra cette communauté dispersée, les uns ralliant tel ou tel maquis ou poursuivant leur combat par d’autres moyens. Aujourd’hui, les chercheurs commencent tout juste à creuser cet aspect méconnu de l’Histoire. Par dérision tendre, ce cercle singulier s’était baptisé « L’École des prophètes ». »
(Le Progrès, 21 juin 2010).