Ordre des Justes : ces héros très discrets
Andreé Verueil -Photo Archives Le dl/virgile
Andrée Vercueil est issue d’une famille de Justes. À 89 ans, elle est toujours installée dans la maison de Trescléoux qui abrita, il y a plus de soixante ans, deux fillettes juives qu’il fallait protéger.
Aujourd’hui, comme il y a trois ans lorsque nous l’avions rencontrée, elle ne se lasse pas de raconter comment ses beaux-parents, mais aussi ses parents, ont sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Après toutes ces années, les souvenirs sont intacts. Son admiration aussi.
Comment votre famille a-t-elle été amenée à accueillir des Juifs ?
« Mes beaux-parents, Edmond et Elisa Vercueil, ont été contactés en 1942, pour accueillir deux fillettes juives originaires de Belgique. Elles avaient été placées dans un orphelinat à Digne. Elles étaient deux au départ mais la plus jeune a été réclamée par un oncle. L’autre, plus âgée, s’appelait Léah et est devenue Léoncie. Elle est venue comme une enfant des villes qui venait se refaire une santé à la montagne. Elle est restée deux ans, évitant d’aller au village. Je n’habitais pas encore là-bas mais je l’ai bien connue : nous n’avions que quelques années d’écart. Chez nous, mes parents hébergeaient aussi des Juifs à ce moment-là : un docteur et sa compagne, venus de Grenoble. »
Il y a trois ans, vous espériez des nouvelles de Léah, que vous aviez fini par retrouver. En avez-vous eu ?
« Non. Malheureusement, je n’ai plus de nouvelle de personne. On s’est écrit longtemps avec Léah, et téléphoné. Elle était installée aux Etats-Unis. Un jour, elle m’a dit que les deux années passées ici avaient été les meilleures de sa vie. Et c’est elle qui a fait les démarches auprès de Yad Vashem pour que mes beaux-parents, mes belles sœurs et mon mari soient reconnus Justes parmi les nations, en 2001. »
C’est vous, avec votre belle-soeur Edmée, qui avez reçu cet hommage pour votre époux et ses parents disparus. Que représente pour vous ce qu’ils ont fait à l’époque ?
« Je me dis qu’ils étaient bien courageux, avec les risques qu’ils prenaient. Au village, il y avait des personnes qui auraient pu les dénoncer. Mais pour eux, il fallait rendre service. C’était naturel. Et puis ils avaient l’habitude d’accueillir des enfants de la ville en séjour, donc la présence de Léah pouvait passer inaperçue. Mais quand même, à ce moment-là, on se portait secours, on n’hésitait pas. »
Vous questionne-t-on souvent sur tous ces événements ?
« Il fut un temps où l’on m’en parlait plus, surtout quand il y a eu les cérémonies officielles. Maintenant, c’est rare, on en parle un peu comme ça vient, en famille. Sinon, il faut souvent les personnes plus âgées pour s’intéresser… »
Avez-vous peur qu’avec le temps le souvenir de tous ces Justes s’efface ?
« Je ne pense pas, mais je trouve que ça n’est vraiment pas assez présent. Il faudrait qu’on en parle plus dans les écoles. Vous savez, des jeunes sont venus me voir, un jour, pour me faire raconter. »
Adeline TAUPIN
Article lié au Dossier 9471