Louis Servonnat , le
Sur les sentiers du Beaujolais de Salle-Arbuissonnas, s’est tenue l’inauguration du panneau commémorant les actions du couple Simone et André Romanet protecteurs d’enfants juifs, lors de la Seconde guerre mondiale.
Derrière chaque village, chaque rue, voire chaque sentier du Beaujolais se cache parfois une histoire. Sur les hauteurs de Salles-Arbuissonnas-en-Beaujolais, c’est celle de la famille Romanet, et plus particulièrement du couple de Simone et André Romanet.
Figures emblématiques de la résistance du village, honorés Justes parmi les Nations, leur nom marqué, à l’encre noire, trône désormais sur l’écriteau du chemin de randonnée (coordonnées GPS google maps : 46.046350, 4.631614). Il s’agit du deuxième panneau des sentiers mémoriels du Département du Rhône, inauguré le 18 juin, sous l’air pesant de la domination de la Gestapo.
Trafiquant les papiers d’identités, répartissant les jeunes traqués par le régime nazis, ces deux instituteurs, les Romanet, avaient chapeauté un réseau d’accueil d’enfants juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Les documents historiques estiment qu’une quarantaine de jeunes ont été cachés grâce à leurs actions.
« Le devoir de mémoire n’est pas que le simple rappel du passé«
Pour raconter cette histoire, une petite dizaine de collégiens a farfouillé l’Histoire entre le 25 et le 28 février 2025. Un devoir de mémoire, maître-mot de leur travail et de leur court-métrage documentaire réalisé à cette occasion.
« Avant même de tourner le film, on a entrepris un chemin vers le souvenir. Cette puissance de la mémoire je l’ai ressentie et ce film s’inscrit comme une lutte contre l’oubli plus qu’importante de nos jours, raconte Myriam, une jeune élève de quatrième du collège Leprince Ringuet. Ce devoir soulève d’ailleurs la question de l’importance de ce genre de stage. Le devoir de mémoire n’est pas que le simple rappel du passé, mais il constitue un engagement vivant. La mémoire ne vit que quand elle est transmise« , conclut-elle après un discours émouvant appuyé de ses lectures de Nietzsche, Kant, ou Camus.
Mais pour constituer ce film, ces volontaires d’Arnas, de Genas, de Saint-Symphorien-d’Ozon et d’autres établissements de la métropole de Lyon ont été accompagnés par Noëlle Berger, archiviste. « A l’origine, je devais simplement apporter des archives, mais en cherchant, j’ai fini par me passionner par l’histoire et j’ai réussi à faire des liens avec plusieurs autres documents. Ce couple était déjà résistant avant d’accueillir ces enfants« , explique-t-elle.
Histoire entremêlée d’histoires
Les nombreux éléments ressortent du livre d’André Romanet. Certains ont permis de renouer avec des familles ayant participé à cacher les enfants juifs. L’une d’entre elles : la famille Béroujon, représentée par Georges, le doyen. Il n’avait qu’onze ans lorsqu’il avait vu débarquer chez lui un certain Jean-Marc. « C’était son faux nom, son vrai nom est Samuel (Nahum). A l’époque, j’étais au courant. On nous avait raconté ce qu’il se passait. Nous cachions aussi deux jeunes qui devaient partir au STO [Service de travail obligatoire imposé par le régime de Vichy, NLDR]. »
Venus de Lyon, ou même de Paris, ces jeunes avaient été amenés dans les campagnes françaises, dont les ressources suffisaient à nourrir la population et les enfants traqués. « Nous avions des poules, des moutons, puis une vache« , explique le fils de la famille. Ce ne sont pas les seules anecdotes qu’il raconte dans le film du Département. A cette occasion, les collégiens avaient pu rencontrer en visioconférence Samuel retraçant son parcours de la rencontre des Romanet au passage chez les Béroujon, jusqu’aux retrouvailles avec sa mère.
Un héritage national
Autour de ces histoires, Simone et André Romanet restent le fil rouge… et ce encore aujourd’hui. Après la Seconde Guerre mondiale, leur héritage résonne encore, notamment à travers leur Fondation de l’œuvre des villages d’enfants et ses 120 établissements en France.
C’est bien de faire connaitre cette mémoire. On vient de fêter les 80 ans de cette fondation. Beaucoup de nos jeunes salariés ne connaissent pas forcément cette histoire et on a voulu mettre l’accent sur ce personnage qui a continué après la guerre, de remettre sur pied entre 3 000 et 4 000 enfants victimes. Son leitmotiv a toujours été : sauver nos gosses.« , expliquait Véronique Guillet, une des membres du conseil d’administration de la fondation. Si aujourd’hui ces victimes disparaissent progressivement, la fondation recentre désormais ses actions sur les enfants notamment en situation de handicap en difficulté scolaire.
Devoir de mémoire et antisémitisme
A l’occasion de cette inauguration, le maire de Salles-Arbuissonnas-en-Beaujolais, Stéphane Parizot, n’a pas mâché ses mots. Rappelant le devoir de mémoire et répétant à nombreuses reprises « l’horreur » de la guerre et de la Gestapo, son discours s’est teint de soutien envers la communauté juive face à « l’explosion de l’antisémitisme en France » en raison du contexte israélo-palestinien. « Il est indispensable de se souvenir de cette Histoire bien sombre. Le devoir de mémoire est plus qu’important aujourd’hui. Nous le devons aux jeunes générations. »

Stéphane Parizot Maire de Salles-Arbuissonas