Hommage au Juste Aristides de Sousa Mendes
L’un des quatre ouvrages présentés à l’Ambassade du Portugal.
Ces « Souvenirs et témoignages » ont été coédités par le Comité Aristides de Sousa Mendes (DR).
Aristides de Sousa Mendes :
« Sauver tous ces gens,
dont la souffrance était indescriptible… »
soit près de 30.000 réfugiés
dont 10.000 juifs !
Le 29 avril 2010, hommage a été rendu à Aristides de Sousa Mendes. Cette cérémonie, tenue à l’Ambassade du Portugal à Paris, avait été placée sous le signe du NON opposé par ce Juste parmi les Nations non seulement à la barbarie nazie mais aussi aux ordres de Salazar, le dictateur du pays dont il assurait le Consulat à Bordeaux…
Ana Duprez :
– « La plus grande excuse – et hélas la plus facile – donnée face à la barbarie reléguée et opérée, est d’affirmer « j’y étais obligé ».
Pour la bonne marche du monde, il se trouve heureusement et parfois, des êtres humains pour dire NON.
Trois petites lettres, un mot, un engagement.
Contre vents et marées, contre force de loi, contre l’absurdité du mal en puissance.
Aristides de Sousa Mendes, nommé Consul général du Portugal à Bordeaux, en 1938, fut de ceux-là… »
(Aqui ! L’autre façon partager l’info).
Synthèse du dossier Yad Vashem au nom d’Aristides de Sousa Mendes :
– « Aristides de Sousa Mendes est nommé consul général du Portugal à Bordeaux en août 1938. C’est donc à ce poste qu’il va assister, en représentant d’un pays neutre, au déferlement de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement à l’effondrement de l’armée française.
Conscient des faiblesses de son pays et soucieux de tirer profit d’un statut de neutralité, Salazar ordonne néanmoins à ses consuls d’appliquer une politique raciste d’extrême droite. Dès lors, pas question de remettre des visas salvateurs aux demandeurs relevant de ces catégories :
– « les étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige »,
– « les apatrides »,
– « les juifs expulsés de leur pays d’origine ou du pays dont ils sont ressortissants »
Aristides de Sousa Mendes estime que ces ordres sont contraires à sa conscience de catholique pratiquant. Or Bordeaux est devenue la ville refuge du gouvernement français. Ce statut de « capitale provisoire » attire non seulement fonctionnaires et politiques mais aussi des dizaines de milliers de réfugiés. Ceux-ci sont repoussés par l’avancée des troupes allemandes et espèrent pouvoir transiter notamment par le Portugal pour gagner ensuite des Pays libres comme l’Angleterre ou les USA…
Le consulat devient ainsi un centre névralgique pour les candidats à l’exil.
De Sousa Mendes ne manquait pas d’expérience en matière de visas puisqu’il en avait déjà accordés à la fin de l’année 1939. Mais en juin 1940, la situation n’a rien de comparable, tel se gonfle l’afflux de réfugiés. Dès le 16 juin, le consul prend cette décision historique :
– « Désormais, je donnerai des visas à tout le monde, il n’y a plus de nationalité, de race, de religion« . Aidé de deux de ses enfants et neveux, ainsi que du rabbin Kruger, il tamponne des passeports, signe des visas sur formulaires, voire même sur tout bout de papier disponible.
Lisbonne s’alerte de cette générosité contraire à ses instructions, mais le consul répond :
– « S’il me faut désobéir, je préfère que ce soit à un ordre des hommes qu’à un ordre de Dieu ».
Le 20 juin, de Sousa Mendes se replie sur Bayonne au vice-consulat du Portugal. Jusqu’au 23 juin, il y poursuit la même délivrance de visas. Fidèles à Salazar, les fonctionnaires de ce vice-consulat ne manquent pas de dénoncer ce rebelle. Celui-ci est officiellement démis de ses fonctions le 23.
Malgré quoi, et dans un dernier geste extraodinaire, de Sousa Mendes conduit encore des réfugiés jusqu’à la frontière espagnole pour leur faire franchir sans problème celle-ci, forts qu’ils sont de leur visa portugais…
De retour obligé au pays le 8 juillet 1940, le diplomate voit tomber sur lui les sanctions : suspension pour un an, perte de la moitié de son traitement, interdiction de se consacrer au métier d’avocat, retrait du permis de conduire etc…
Heureusement vont se concrétiser les solidarités de la communauté juive de Lisbonne et de l’Assistance juive internationale.
En 1945, à la fin des hostilités, de Sousa Mendes reste exclu du corps diplomatique. Il va s’éteindre le 3 avril 1954. Dans une pauvreté extrême.
En 1966, la reconnaissance comme « Juste parmi les Nations » empêche que l’oubli ne vienne recouvrir l’histoire de ce héros.
En 1987, le Portugal qui s’est entretemps libéré du salazarisme, le réhabilite enfin. Il est décoré à titre posthume de l’Ordre de la liberté et sa famille reçoit des excuses publiques.
En 1994, le Président Soares dévoile un buste du consul à Bordeaux, ainsi qu’une plaque au 14 quai Louis-XVIII, là où en 1940, le consulat du Portugal permit à tant de réfugiés d’échapper au nazisme. En 1995, la Croix du mérite marqua une reconnaissance supplémentaire de ce héros hors du commun.
Le consul Aristides de Sousa Mendes (DR).
José-Alain Fralon :
– « En juin 1940, à Bordeaux, commence la plus grande opération de sauvetage menée par une seule personne pendant l’Holocauste. Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal, bravant les ordres donnés par Salazar, prend la décision de délivrer des visas à tous les réfugiés qui se présentaient à lui : 30.000 personnes, dont 10.000 juifs purent, grâce à lui, échapper à la barbarie nazie. »
(Aristides de Sousa Mendes, le Juste de Bordeaux, Mollat, 1998, 120 p.
Aristides de Sousa Mendes :
– « C’était réellement mon seul objectif, sauver tous ces gens, dont la souffrance était indescriptible: les uns avaient perdu leurs conjoints, les autres n’avaient aucune nouvelle de leurs enfants, les autres avaient vu succomber des êtres très chers sous les bombardements allemands qui se renouvelaient chaque jour et neménageaient pas les fugitifs épouvantés…
Enfin ceux dont le sort m’inquiétait plus encore, c’étaient ceux qui risquaient de tomber aux mains de l’ennemi. En effet parmi ces fugitifs, nombreux étaient les officiers des armées des pays occupés antérieurement: autrichiens, tchèques et polonais, lesquels auraient étés fusillés comme déserteurs ; nombreux également les belges, hollandais luxembourgeois, français et jusqu’à des anglais, qui auraient été soumis au dur régime des camps de concentration allemands; Il y avait des intellectuels éminents, des artistes de renom, hommes d’état, diplomates du plus haut rang, grands industriels et commerçants qui auraient subi le même sort.
Beaucoup d’entre eux étaient juifs, ils avaient déjà été persécutés et cherchaient, avec une très grande inquiétude à échapper à de nouvelles persécutions.
S’ajoutait à ce spectacle, des centaines d’enfants, qui accompagnaient leurs parents, participaient à leurs souffrances, et à leurs inquiétudes, ils réclamaient des soins que dans une telle situation, il n’était pas possible de leur donner. Enfin, pensons que toute cette foule, par manque de logement, dormait dans la rue, et sur les places publiques, exposée de ce fait à toutes sortes d’intempéries.
Tant de suicides eurent lieu, tant d’actes de désespoir, tant d’actes de folie dont j’ai été moi même le témoin ! Tout cela ne pouvait que m’impressionner vivement, à moi qui suis le chef d’une famille nombreuse, comprenant mieux que personne à quels dangers sont exposés ceux qui sont privés de la protection d’une famille.
De là mon attitude, uniquement inspirée par des sentiments d’altruisme et de générosité dont les portugais, à travers leurs huit siècles d’histoire, ont toujours su donner des preuves éloquentes et qu’illustre la vie de nos héros les plus accomplis. »
(Interrogatoire à Lisbonne, le 10 août 1940).
Pierre Lebedel :
– « Quand, en septembre 1938, il s’installe à Bordeaux, quai Louis-XVIII, Salazar est devenu dictateur du Portugal. Après la défaite de mai-juin 1940, des milliers de gens venus de Paris, Riga, Varsovie, Anvers… prennent le chemin de l’exode.
Tous fuyaient les barbares dont l’ombre s’étendait maintenant sur toute l’Europe.
Pour sauver leur vie ils avaient besoin d’une simple signature sur leur passeport. Un homme, Aristides de Souza Mendes, monarchiste de coeur et père de 14 enfants, va leur en accorder malgré les directives de Salazar. Il dira :
– « Je donnerai des visas à tout le monde, il n’y a plus de nationalistes, de races, de religions. Juifs, catholiques, protestants ? On signe ! Apatrides ? On signe ! Russe ? On signe ! Allemand ? On signe ! »
Le 8 juillet 1940, Aristides de Sousa Mendes rentre dans son pays. Il passe en conseil de discipline. Privé de travail à l’âge de 55 ans, il s’éteint le 3 avril 1954. Les Israéliens se sont souvenus et ont planté un arbre dans l’allée des Justes à Jérusalem le 21 février 1961. Il ne sera réhabilité par son gouvernement que le 24 mai 1987 et il aura fallu plus de cinquante ans pour que Bordeaux se souvienne. »
(La Croix, 28 janvier 1999).
Discours de l’Ambassadeur du Portugal à Paris, Fransisco Seixas Da Costa (Ph. V. Saül / DR).
Lors de l’hommage à l’Ambassade du Portugal à Paris, ce 29 avril 2010, quatre ouvrages complémentaires ont été présentés :
– Aristides de Sousa Mendes, héros « rebelle », juin 1940 – souvenirs et témoignages, sous la direction de Manuel Dias Vaz, Ed. Confluences – Comité Aristides de Sousa Dias.
– Aristides de Sousa Mendes, Bordeaux, Bayonne, Hendaye, juin 1940 – Le pouvoir de dire « non », Ed. Quatorze.
– Aristides de Sousa Mendes consul général du Portugal à Bordeaux en juin 1940 – 9 jours pour sauver 30 000 personnes, livret pédagogique, Ed. Quatorze sous la direction de Manuel Dias Vaz.
– Aristides, des visas pour la vie, d’Eric Lebreton.
Ces volumes ont leur place dans la bibliothèque de tout qui est attaché à la mémoire de la Shoah mais aussi des Justes parmi les Nations.
Témoignage du petit-fils du Juste, Gérald Mendes (Ph. V. Saül / Dr).
Article lié au Dossier 264