La famille des Justes porte le deuil de Marguerite Farges

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Dossier n°

La famille des Justes porte le deuil de Marguerite Farges

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 Titre de Sud Ouest (DR).

 

Le procès Papon connut de multiples moments forts. Mais le 6 février 1998, devant un accusé égal à sa suffisance et à son absence totale de remords, le témoignage d’Yvette Moch apprit à beaucoup l’incroyable sauvetage d’un garçon de 6 ans. Ce dernier avait été dénoncé et enfermé sous bonne garde avec un peu plus de 200 autres juifs dans la synagogue de Bordeaux. Avant un transfert sur Drancy.

 

Yvette Moch :
– « Il y avait un nouveau-né (1), ç’a été un des plus beaux souvenirs de cette époque, qu’une infirmière cachait sous sa cape. Elle a sauvé un enfant, car les enfants partaient et je me souviens d’un petit garçon qui disait « Mais qui s’occupera de moi puisque je n’ai plus personne ? » Je me souviens de ça. On essayait de les rassurer : « On va s’occuper de toi, là-bas. » Et puis ils partaient les pauvres enfants, c’était tragique. Et il y a eu cet enfant qui a été sauvé. Je m’en souviens comme d’un miracle au milieu de toutes ces horreurs (…).

Me Gérard Boulanger :
– « Vous avez assisté au sauvetage de cet enfant… »

Yvette Moch :
– « Oui, caché sous la cape de l’infirmière. »

Me Boulanger :
– « Il s’agit du cas du petit Boris qui est devenu très célèbre depuis. » (2)

 

Cette infirmière, Mlle Descoubès confia le garçonnet à Marguerite Farges. C’était le début du sauvetage mouvementé de Boris Cyrulnik (sous la fausse identité de Jean Bordes).

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Marguerite Farges vient de s’éteindre à 91 ans (Arch. Sud Ouest : DR).

 

Témoignage de Marguerite Farges, Juste parmi les Nations :

–  » Bien sûr, j’avais conscience du danger. Mais j’ai puisé de la force en suivant l’exemple de mon père, un homme courageux. Il a aidé des gens qui fuyaient le nazisme à s’embarquer pour les Etats-Unis. Lorsque les Allemands ont essayé de le faire parler, il leur a répondu : “Quand je me rase le matin, je ne veux pas voir un lâche dans la glace.”

En juillet 1942, les parents de Boris, un de mes élèves (3), sont venus me demander si je connaissais quelqu’un à la campagne qui pourrait s’occuper de lui. Je les ai envoyés chez une nourrice en qui j’avais toute confiance.
La nuit suivante, ils étaient arrêtés. La mère a tout de suite été déportée à Auschwitz. Mais j’ai pu voir le père, qui avait été transféré à l’hôpital. Il m’a demandé de m’occuper de leur enfant. Ce que j’ai fait. J’ai alors été interrogée à la préfecture, aux Questions juives. Ils insistaient pour que je ramène le petit, me disant qu’ils s’occuperaient de lui faire rejoindre ses parents…
Leurs promesses me paraissaient trop vagues, j’ai gardé Boris. Il était très conscient, et d’une précocité extraordinaire. Je ne lui ai jamais mis l’étoile jaune et je le baladais avec moi sans complexe. Petit à petit, je me suis attachée à lui.

 

Le 10 janvier 1944, sur dénonciation d’un voisin, Boris a été arrêté et parqué dans une synagogue. Une infirmière l’a remarqué parce qu’il était seul dans son coin. Il ne comprenait pas pourquoi on l’avait arrêté : “Depuis que je suis chez Margot, je ne suis plus juif”, disait-il. L’infirmière m’a contactée et m’a dit qu’elle ferait tout pour le sauver. Elle a réussi à le sortir d’un autobus qui devait l’emmener à Drancy et l’a caché. Je l’ai récupéré puis confié aux uns et aux autres, jusqu’à ce qu’il retrouve une vie ordinaire, dans une ferme. »
(Psychologies-com, janvier 2002).

 

Bernadette Dubourg :

– « Boris Cyrulnik, devenu psychiatre et éthologue, installé dans le Var, a longtemps tu son enfance bordelaise, l’arrestation et la déportation de ses parents en 1942, sa propre arrestation en janvier 1944, ou encore les familles quil l’ont caché dont celle de Marguerite Farges, qu’il a toujours appelé Margot. « Cela reste du domaine privé », répondait-il simplement.
Pourtant, en 1997, il a entamé les démarches pour que Marguerite Farges soit honorée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem (…).
Lors de la remise de la médaille des Justes, il avait emprunté ces mots à Elie Wiesel : « Il est interdit de me taire, il est impossible de parler. » (Sud Ouest).

 

A la famille de cette Juste parmi les Nations, y compris Boris Cyrulnik (4), le Comité Français pour Yad Vashem présente ses condoléances les plus sincères. Puisse, sur la colline du Souvenir à Jérusalem, continuer à s’épanouir l’arbre de Marguerite Farges.

 

NOTES :

(1) Ce témoignage montre la fragilité des souvenirs, surtout sur une période tellement anxyogène et de par surcroît devant une Cour. En effet, Boris Cyrulnik est né en 1937. Mais la description de son sauvetage n’en perd rien de sa valeur historique.

(2) Le procès de Maurice Papon, Compte rendu sténographique, Tome II, Albin Michel, 1998, 973 p. (PP 353-355).

(3) Marguerite Farges était institutrice à l’école bordelaise de la rue du Pas-Saint-Georges.

(4) Lire :

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Boris Cyrulnik, Je me souviens, Ed. L’esprit du temps, mars 2009