7 Justes honorés à la Mairie du XVIe (Paris)

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Dossier n°

7 Justes honorés à la Mairie du XVIe (Paris)

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Mairie du XVIe arrondissement de Paris (Ph. BCFYV / DR).

Pierre et Marie-Jeanne Batt
Robert et Marie Borgeon
Michel-Marcel et Francisca Tendero
Alfred Thimmesch

Justes parmi les Nations


Le 25 février 2010, une cérémonie exceptionnelle a marqué la reconnaissance de 7 nouveaux Justes dans les salons d’honneur de la Mairie du XVIe arrondissement à Paris. Cérémonie exceptionnelle du moins pour les parents et pour les proches non seulement de ces Justes ainsi aussi des juifs ainsi arrachés à la Shoah, exceptionnelle encore pour toutes celles et tous ceux qui s’impliquent dans le travail de mémoire, mais sans doute pas pour le Maire dont l’absence ainsi que celle de tout délégué, ne sont pas passées vraiment inaperçues…

En présence de Shlomo Morgan, Ministre-Conseiller de l’Ambassade d’Israël, Jean-Claude Roos, délégué du Comité Français pour Yad Vashem a été le maître de cette cérémonie marquée par les figures si différentes mais toutes exemplaires de Français qui ont tout risqué pour quelques persécutés que la Shoah devaient faire disparaître. L’un de ces Justes, Alfred Thimmesch, en perdit même la vie, déporté qu’il fut au sinistre Camp de Mauthausen.

Voici une brève synthèse des dossiers constitués à Yad Vashem pour ces nouveaux Justes parmi les Nations.

Pierre et Marie-Jeanne Batt :

– « Philippe MULLER (né le 30/11/27) a tenu à témoigner pour ce dossier. Son grand-père, Louis MULLER arrive d’Allemagne à la fin du 19ème siècle. Il y fonde les Papeteries Louis MULLER et les dirige avec son fils.

Avant la guerre, la famille de Philippe habitait à Paris. Ses deux parents, Marcel et son épouse Germaine, nés tous deux à Paris, avaient la nationalité française. Début septembre 1940, cette famille s’installe à Grenoble. Là, les Muller font la connaissance de Marie-Jeanne BATT. Son mari est prisonnier en Allemagne et sera rapatrié en 1941 ou 1942.

En janvier 1942, les rejoignent à Grenoble Alfred MULLER (frère de Marcel) et sa famille, ainsi qu’un neveu, Jacques MULLER (dont le père a déjà été déporté). Marie-Jeanne BATT leur loue un bureau, qui fait office de succursale des Papeteries.

Le 11 novembre 1942, Grenoble est occupée par l’armée italienne. Puis, le 8 septembre 1943 les Allemands remplacent les Italiens. La famille MULLER prend ses distances et déménage pour Voiron (Isère) chez M. et Mme MICHALAT. Elle garde son identité.

Le 9 mars 1944, la Milice arrête les parents et occupe la villa des MILLER. Après deux semaines difficiles d’interrogatoire et de sévices, les parents sont libérés et ramenés à Voiron, non sans avoir été dépouillés de tous leurs biens tandis que la Milice abandonne la villa.

Sans perdre de temps, les MULLER entrent en contact avec les BATT à Grenoble. Ces derniers décident de les héberger dans leur propre appartement. Les persécutés y restent 8 jours, le temps pour Pierre BATT, typographe, en contact avec la Résistance, de leur procurer des faux papiers au nom de MANSARD et de leur fournir deux lieux d’hébergement :
– le père est hébergé au sanatorium de Saint Hilaire du Touvet (Isère) grâce au concours d’une infirmière, Mme PICARDEL ;
– la mère et le jeune Philippe sont logés dans un petit hôtel à Goncelin (Isère).
Entre avril 1944 et la Libération, Pierre et Marie-Jeanne BATT viennent tous les dimanches à Goncelin pour rendre visite à Germaine et à Philippe et leur apportent des nouvelles de Marcel. »

Robert et Marie Borgeon :

– « Mme Madeleine GOLEBIOWSKI, veuve ROMEN, est née en 1935 à Paris. Elle eut à cœur de témoigner en faveur du couple BORGEON Robert et Marie, tous deux décédés.

Les parents de Madeleine, originaires de Radom, ont quitté la Pologne dans les années 1930 et se sont installés à Paris dans le XIIIe arrondissement où ils travaillaient dans la restauration.
A cause de leurs horaires de travail, ils placèrent leur fille Madeleine en nourrice chez M. et Mme BORGEON à Franconville (alors en Seine et Oise).
En juin 1942, le père de Madeleine fut arrêté, interné à Drancy et déporté à Auschwitz sans retour.
La mère de Madeleine s’est alors réfugiée chez les BORGEON auprès de sa fille. La maman n’y reste que 10 jours car l’environnement se montre trop hostile et les risques de dénonciation sont fort à craindre.
Laissant Madeleine à la garde des BORGEON, la pauvre mère passe en zone dite « libre ». Mais elle a confié les clés de son appartement parisien aux protecteurs de sa fille, lesquels purent ainsi mettre à l’abri des meubles et des bijoux restitués après la Libération.
Marie et Robert BORGEON ont élevé Madeleine comme si elle était leur propre fille et ils la gardèrent jusqu’à que sa mère soit en mesure de la reprendre, soit en 1947.

Madeleine garde un souvenir très ému de cette famille qui l’a choyée en dépit du voisinage antisémite et malveillant. Elle était d’ailleurs présentée comme d’origine polonaise mais très catholique.
Le récit de Madeleine est confirmé par des extraits des « Mémoires » de la mère de Madeleine aujourd’hui décédée. Il est complété aussi par le gendre des BORGEON. Ce prisonnier de guerre rentra chez lui au printemps 1944 car libéré en raison de son état de santé. »

Michel-Marcel et Francisca Tendero :

– « Priva Rossak (1900-1985) et Pinkhos Obarjansky (1896-1977) émigrent de Varsovie en 1914. Ils se marient à Paris en 1918 et habitent les Hauts de Belleville. Tous deux exercent la profession de tailleurs. De leur union, naissent 4 enfants :
– Fanny (1919-1985), maman de Simone Faïf,
– Julien (1921-1977),
– Irène (1925-1999),
– et Henri (1929-1992).

En 1935, toute la famille Obarjansky déménage au 42 rue du Château d’Eau à Paris 10e.
En 1937, Fanny épouse Chaskiel Sztarkman, tailleur (né en 1903). Son mari s’engage dans la Légion Etrangère pour participer à la défense de la France. Après l’armistice de juin 1940, vient le temps de sa démobilisation.
Toute la famille fuit alors vers la zone dite « libre ». Elle va jusqu’à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Mais là-bas, les conditions d’existence sont trop précaires et les Sztarkman regagnent leur appartement de rue du Château d’Eau à Paris.
Chaskiel est convoqué au Gymnase Japy, Paris 11e, en juin 1941. Il est aussitôt arrêté, interné à Pithiviers puis à Beaune la Rolande. Déporté à Auschwitz (Convoi n°5), il y décède le 25 septembre 1942. Née le 2 février 1942, sa fille Simone n’avait donc pas alors 8 mois.

Par rapport aux Sztarkman, la famille Tendero n’est domiciliée qu’à quelques pâtés de maison, 13 rue du Fbg Saint-Martin. Les Tendero ont 4 filles, Marie-Louise, Antoinette, Lydie Christiane et Michèle.
Irène Obarjansky et Lydie Christiane Tendero sont très amies. Les deux familles entretiennent de bonnes relations.

Dès le début des rafles, alertées par la propriétaire d’un café voisin (renseignée par le bavardage d’agents de police), Mme Obarjansky, ses filles Irène et Fanny, sa petite-fille Simone, trouvent refuge auprès de la famille Tendero qui leur offre généreusement le gîte et le couvert.
M. Tendero, cuisinier, procure de la nourriture à la famille Obarjansky. Ses filles, Lydie Christiane (16 ans) et Antoinette (19 ans) servent de facteur et de coursier.

Pour leur part, M. Obarjansky et son fils Henri se cachent chez un voisin (mort, sans descendance). Julien est déporté en 1943 à Auschwitz, il sera du nombre des survivants de ce camp d’extermination.

Après la Libération, la famille Obarjansky fait franciser son nom en Aubart.
Les familles restent très liées comme l’attestent de nombreux témoignages. Lydie, couturière, travaillera d’ailleurs dans l’atelier de confection des Obarjansky.
Une amie, Rosa Bleckmans, née en 1925, amie des Obarjansky depuis 1942, confirme également ce sauvetage courageusement réalisé par la famille Tendero. »

Alfred Thimmesch :

– « Né en 1901 à Metz, Alfred Thimmesch est entré dans la police en 1923. C’était à Strasbourg.

Au début de la guerre, comme d’autres Alsaciens Lorrains qui refusent le risque de se retrouver nazifiés, il préfère quitter sa région natale.
Alfred Thimmesch est muté à Périgueux, puis à Voiron (Isère). En mars 1942, il y exerce les fonctions de secrétaire de police. Il est marié et père de 3 enfants.

Il entre dans l’armée secrète puis devient responsable pour Voiron du groupe « Police » au sein du mouvement de résistance NAP.
Ses fonctions de secrétaire de police lui permirent d’établir de fausses cartes d’identité et de faux certificats de résidence à des juifs victimes des persécutions raciales. Et ce, de 1942 à février 1944.

Alfred Thimmesch sera hélas dénoncé par l’un de ses propres collègues. En février 1944, il est arrêté par les Allemands qui retiennent contre ce policier-résistant l’ « établissement de fausses cartes d’identité ».
Alfred Thimmesch sera déporté à Mauthausen où il décède en juillet 1944.

À la fin de la guerre, sa veuve et les trois orphelins retrouveront un Strasbourg libéré du joug nazi. »