Le service des étrangers de Nancy

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Dossier n°

Le service des étrangers de Nancy

Alors que Nancy allait être frappée par la rafle du 19 juillet 1942, 7 policiers du « Service des Etrangers » sauvent près de 350 juifs…

Tandis que d’autres procédèrent sur grande échelle à des arrestations de juifs puis, après la libération, se montrèrent tout fiers de porter néanmoins la fourragère de la résistance, sept policiers de Nancy sont entrés dans l’histoire des Justes de France. Or, tous appartenaient au même « Service des Etrangers », donc avaient été mis en première ligne, par Vichy, pour appliquer les lois racistes de l’Etat français et pour collaborer avec les nazis.

Ces policiers avaient pour noms (1) :
Edouard Vigneron, Pierre Marie, Charles Bouy, Henri Lespinasse, Charles Thouron, Emile Thiébault et François Pinot.

5 d’entre eux seront reconnus comme Justes parmi les Nations.

Dans son « Livre des Justes » (2) Lucien Lazare décrit sur les pages 70 et 71 les circonstances précises qui virent ces policiers du « Service des Etrangers » le transformer en « Service de sauvetage d’Etrangers », de juifs, promis à la déportation :

– « Edouard Vigneron, chef du service des étrangers, et son adjoint Pierre Marie avaient cinq hommes sous leurs ordres. Ils connaissaient personnellement les juifs qui devaient être arrêtés. Ils les recevaient au commissariat pour la régularisation de leur situation, et tenaient leurs dossiers à jour. Edouard, âgé de près de soixante ans, avait une longue expérience de « ses » administrés. Ils avait choisi de leur faire confiance, leur prodiguait des conseils et évitait les tracasseries. Ils n’en avait jamais éprouvé de déconvenue. Le 18 juillet 1942, il apprit que la rafle devait avoir lieu le lendemain à l’aube. Ils ne tarda pas à se décider. Ils convoqua par téléphone au commissariat tous ceux qu’il put joindre. Afin d’alerter les autres, il chargea Pierre Marie d’envoyer les agents du service. Charles Bouy raconte : « Notre chef Marie nous a rassemblés. La situation est grave, les petits, nous a-t-il dit. » Jérôme Scorin, l’un des rescapés, témoigne : « Je me suis présenté le 18 au commissariat, dans le service de M. Vigneron. Il m’a remis une fausse-vraie carte d’identité, au nom de Hubert Hiebel, né à Metz. Grâce à quoi je suis parti en zone sud, à Lyon. » Henri Kricher, vingt-deux ans, et son frère âgé de quatorze ans, furent conduits, solidement encadrés par deux agents, à la gare de Nancy, et placés dans un train. A quelques secondes du départ, les agents leurs remirent des billets pour Dijon et de fausses cartes d’identité, avant de disparaître. »

Patrick Volson s’est inspiré de ces faits on ne peut plus authentiques, pour réaliser en 2006 une fiction de 1h45 mn : « Le temps de la désobéissance ». Depuis, ce film a décroché le Prix du meilleur scénario et le Grand Frix de la fiction au Festival international du film de télévision de Luchon.

Affiche du film (DR)


Ce 31 janvier à 20h au Cinéma des Carmes à Orléans, le CERCIL (3) propose une projection de ce « Temps de la désobéissance ». A noter que l’entrée est libre sur présentation d’une invitation remise par le CERCIL : 02 38 42 03 91 et http://www.blogger.com/cercil@wanadoo.fr.

A l’issue de la projection, il est prévu une intervention attendue de Jean-Marie Muller. Auteur de « Désobéir à Vichy : la résistance civile de fonctionnaires de police » (4), cet historien décrira les rôles tenus par la police française dans la persécution des juifs.

 

NB :
(1) Une délégation de Nancy s’est rendue au Mémorial de Yad Vashem, le 19 juillet 2007 pour fleurir les arbres et les plaques de ces Justes. Une séquence vidéo en témoigne sur infolive.tv.
(2) Editions J-C Lattès, 1993.
(3) CERCIL : Centre d’Etude et de Recherche sur les Camps d’internement du Loiret (Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau) et la déportation juive. Si votre intérêt ne vous y a pas encore porté, Vous êtes invité(e) à prendre connaissance du portail de ce Centre dont les publications participent à un travail de mémoire exceptionnel.
(4) Ed. PU Nancy, 1994.

 

Couverture de l’ouvrage de J-M Muller (DR)