Cérémonie pour 7 nouveaux Justes à Paris
(DR).
Ce 25 juin, la Mairie du 12e arrondissement de Paris a servi de cadre prestigieux à la reconnaissance comme Justes parmi les Nations de :
– Gaston Girousse,
– Auguste et Marie Jeager,
– Jean-Marie Lapeyre et ses filles, Nathalie et Marie,
– Trieulet Antoinette.
Leurs dossiers à l’Institut Yad Vashem de Jérusalem précise les motifs profonds pour lesquels tous se sont vus attribuer Médailles et Diplômes de Justes.
Gaston Girousse, dossier 11400 :
– « La famille NETTER compte dans ses membres le célèbre professeur Arnold NETTER (1855-1936). Les NETTER sont d’origine juive alsacienne. Ils sont venus à Paris en 1870 pour ne pas devenir Allemands.
Le témoignage en faveur du Juste, M. Gaston GIROUSSE, a été mis en forme en 1979, par Léon NETTER (1897-1989). Il est authentifié par son fils, Alain-Pierre NETTER.
Maître Léon NETTER est avocat à la cour de Paris. Grâce à ses qualités professionnelles, il fait partie des 14 avocats autorisés à rester inscrits au Barreau après l’occupation (mais il en sera exclu le 12 février 42). Il est notamment l’avocat de diverses compagnies d’électricité présidées par M. GIROUSSE.
Le 21 août 41, Me NETTER est interné à Drancy. M. GIROUSSE met à disposition de Mme NETTER une somme qui pourrait assurer la sortie du camp de son époux. Le 25 octobre 41, un médecin chef français établit une liste de sortie pour raison médicale. Très affaibli, Léon NETTER sort ainsi de Drancy.
M. GIROUSSE lui établit une carte d’agent de l’électricité, lui conférant la qualité d’ingénieur électricien. Le 5 janvier 42, une voiture de l’Union Electrique lui fait franchir un poste allemand afin de réparer une panne de secteur (!) située sur la ligne de démarcation. Tout est organisé pour qu’il puisse franchir cette ligne. Une autre voiture de la société d’Electricité le prend ensuite en charge pour le conduire en zone libre (à Loches, en Indre-et-Loire).
Avec sa femme et sa belle-sœur, Me NETTER franchira la frontière suisse au village de Douvaine.
M. GIROUSSE, en signant de fausses cartes d’agents de l’Electricité et de faux ordres de mission a permis à des Juifs mais aussi à des communistes et à des résistants de passer en zone libre (environ 3 à 400 personnes).
Au nombre des résistants, MM. BAUMGARTNER et LENIEZ feront l’éloge de M. GIROUSSE dans une lettre datée de 1948.
De plus, M. GIROUSSE a également procuré de la nourriture à Louis CAHEN, un camarade de Polytechnique caché dans un grenier. Il a aussi aidé la famille DURKHEIM.
En résumé, M. Gaston GIROUSSE incarne l’intelligence, le courage et la droiture dans une France officiellement pétainiste donc antisémite et liberticide. »
Auguste et Marie Jaeger, dossier 11349 :
– « Le couple JAEGER dirigeait depuis 1935 l’orphelinat protestant du Bon Secours, situé à Paris 20è. Ils y recevaient non seulement des orphelins mais encore des enfants dont les parents ne pouvaient plus assurer leur éducation.
En 39, tous les enfants (sauf un qui n’avait aucune famille) furent envoyés à l’abri loin des risques de bombardement sur Paris.
En novembre 42, une jeune femme demande au couple de garder, pour quelques jours seulement, un petit garçon d’environ 8 ans. Puis, ensuite, elle revient avec d’autres enfants qu’elle reprend au bout de quelques jours.
En fait, il s’agit d’enfants juifs qu’elle attend à la sortie de leur école lorsqu’elle est informée que les parents ont été arrêtés. Elle les amène donc à l’orphelinat pour quelques jours, le temps de leur faire établir des faux papiers et de leur trouver un refuge. Cette femme – qui ne révéla jamais son nom – fut arrêtée ensuite et probablement déportée.
Marie JAEGER prenait soin des enfants et elle leur confectionnait souvent des vêtements.
Son fils, André, a pu procurer à certains des cartes d’identité. En outre, par son poste au Ministère de l’Agriculture, il réussit à obtenir de « vraies fausses cartes d’alimentation » pour les nourrir en complément de la nourriture rapportée de Touraine par sa femme, Hélène.
Entre novembre 42 et juin 45, Auguste et Marie JAEGER accueillirent ainsi une quarantaine de petits juifs (d’après le Pasteur Vergara). A la libération, une quinzaine d’enfants se trouvaient encore à l’abri des murs de l’orphelinat.
Depuis cette époque si sombre, un fils d’André et Hélène JAEGER, José-Marie, a réussi à retrouver l’un des enfants accueilli par sa famille. Il s’agit de Robert FRANCK.
Celui-ci se rappelle s’être rendu dans l’orphelinat et y être resté une quinzaine de jours. Il a appris par la suite que c’était par l’intermédiaire d’une organisation clandestine, « l’entraide temporaire ».
Il est le seul survivant de sa famille. Il a lancé un avis de rechercher pour tenter de retrouver la trace d’autres enfants ayant séjourné à l’orphelinat. Sans succès jusqu’à présent. »
Jean-Marie Lapeyre et ses deux filles, Nathalie et Marie (dossier 11301) :
– « M. et Mme HAFON, originaires de Turquie, ont émigré en France respectivement en 1905 et en 1920. Ils ont habité 95 rue des Boulets (11è) et ont eu deux enfants :
– Sarah (née 32)
– et Roland (né en 38).
Le père était vendeur.
Fin 1943, les parents ont décidé de mettre leurs enfants à l’abri dans une famille du sud-ouest de la France, famille honorablement connue par l’un de leurs amis.
Accompagnés d’une parente non juive, les gosses sont arrivés chez M. LAPEYRE, veuf, et ses deux filles, Nathalie et Germaine, célibataires.
M. LAPEYRE et une de ses filles tenaient une épicerie de la localité. A noter que les hôtes habitaient près de la Kommandatur à St Sever…
Sarah et Roland HAFON ont été très bien traités. Ils allaient à l’école et à la messe, passant pour des enfants adoptés. Aucune pension n’a jamais été demandée et la famille LAPEYRE a inlassablement témoigné attention et affection aux deux enfants juifs qu’ils ont sauvés.
A la fin de la guerre, M. HAFON père est venu chercher ses enfants mais depuis, les deux familles sont restées en relation (comme en témoigne par exemple une lettre du 3/1/89).
Antoinette Trieulet, dossier 11312 :
– « Aron LUKSENBERG et son épouse Chalda vivaient à Lodz, en Pologne. Dans les années 20, le climat devenant trop malsain pour les Juifs, ils décident de se rendre en Palestine. Ils s’y installent et y font de l’élevage de bovins.
Mais leur exploitation périclite et ils émigrent de nouveau. Cette fois-ci direction la France.
Avec leur 4 filles :
– Rivka (née en 1917),
– Adja (née en 1919),
– Zlata (en 1926) et
– Balfouria (en 1926),
ils habitent à Paris, avenue d’Italie. Le père ouvre un magasin de maroquinerie.
En 1942, la famille quitte Paris pour Pau, où se trouvent déjà Rivka et son mari. En 1943, Ajda se marie en 1943 avec David SVARTMAN.
La situation devenant préoccupante, Aron LUKSENBERG envisage de quitter Pau pour Grenoble. Entre-temps, il a fait la connaissance d’Antoinette TRIEULET, femme du maire, qui possède une grande ferme à Gaillon (Pyrénées). Elle a trois filles et un fils et elle exploite ses terres, venant vendre fruits et légumes à Pau.
Elle héberge Rivka, Ajda enceinte et leurs maris pendant 9 mois à partir de 1944, assurant leur subsistance, sans aucune compensation financière.
Antoinette TRIEULET a également hébergé Daniel JACOBS et ses parents ainsi que 7 autres familles juives, dont la trace est perdue.
Entre les LUKSENBERG et la famille TRIEULET les liens ont perduré après la guerre. »
Article lié au Dossier 11409
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